Xavier Bertrand - Ministère de la Santé et des solidarités

Cette vénérable institution continue de mettre en péril nos données les plus intimes et le ministre a fermement contribué à pousser le Parlement à élargir le croisement des fichiers pour les bénéficiaires de prestations sociales (fragilisant à nouveau les précaires) et, surtout, à utiliser le numéro de sécu comme identifiant du futur Dossier médical informatisé (DMP)

Le trou de la sécu a bon dos ! Notre ministre de la Santé a, cet automne, multiplié les initiatives liberticides pour parvenir à son obligation de résultat avant les élections : soigner le plan de redressement de l’assurance-maladie.

Première salve, en octobre 2006, lors du débat sur la loi de finances de la sécu (PLFSS). "Pour lutter contre la fraude et les abus aux prestations", résume Le Monde, "le gouvernement a décidé d’autoriser le croisement des fichiers informatiques des administrations et organismes sociaux chargés du remboursement de l’assurance-maladie ou du versement des allocations sous conditions de ressources (CMU, RMI, prestations familiales, etc.)" [1].

Cerise sur le gâteau : "Alors que sa création avait été annoncée il y a un an, un comité national de lutte contre la fraude en matière de protection sociale a été officiellement mis en place, mardi 24 octobre. Présidée par Bernard Cieutat, magistrat de la Cour des comptes, cette structure, qui comprend des représentants des organismes sociaux, de la police et de la justice, sera chargée "de centraliser et d’analyser les cas de fraude". Il lui reviendra "d’animer la coopération entre les organismes et de mettre en place les échanges d’informations"... Et les personnes précaires vont une nouvelle fois [2] se trouver au centre de cette surveillance préventive généralisée, et en premier lieu les étrangers bénéficiaires de la CMU [3].

MAIS SURTOUT, Xavier Bertrand, a déposé, lundi 13 novembre, un amendement au PLFSS devant le Sénat [4] : il vise à faire du numéro d’inscription au répertoire national (NIR, l’identifiant des assurés sociaux) un « identifiant de patient commun dans le domaine de la santé ». Et il avance des « arguments d’ordre pratique » pour l’appliquer au DMP, qui, rappelons-le, est amené à devenir un fichier sanitaire répertoriant les données de santé intimes des patients et qui sera piloté via l’internet (!).

Un risque énorme serait alors pris par les pouvoirs publics, comme l’ont proclamé des milliers de personnes dans la pétition "Pas touche à mon numéro de Sécu" (initiée par la LDH). Qui rappèlent que la CNIL a été créée justement pour éviter ce fichage unique de la population. [5]

Un rapprochement dénoncé aussi en décembre par le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) [6] ainsi que par des médecins férus d’informatique (regroupés au sein du collectif Fulmedico) qui connaissent mieux que quiconque les risques d’abus ou de failles de tout système partagé et soi-disant "sécurisé" [7].

Comme circonstances aggravantes, citons la légèreté dont la CNAM-TS, dont il a l’entière tutelle, a une nouvelle fois violé le secret médical en envoyant, sans l’aval du médecin et en piochant dans le fichier des prescriptions, des courriers à certains assurés sociaux à propos de leur consommation de médicaments. [8] .

Et rappelons aussi la faille cocasse du site "médecin traitant en ligne"... [9]

Notes

[1"Le gouvernement souhaite croiser les fichiers informatiques", Le Monde, 25.10.06.

[2Cf décret sur le contrôle des chômeurs - dossier sélectionné aux BBA 2005.

[3"Le gouvernement souhaite ainsi que, pour le versement des allocations sous conditions de ressources, "les caisses prennent mieux en compte le train de vie et les ressources patrimoniales" des bénéficiaires. Cette mesure vise notamment les résidants étrangers - et plus particulièrement britanniques - bénéficiaires de prestations comme la CMU tout en profitant de ressources non déclarées dans leur pays d’origine.", op. cit.

[4"Le numéro de Sécurité sociale pourrait devenir la clé d’accès au dossier médical", Le Monde, 14.11.06.

[5Extrait de l’appel : "Associer au NIR des informations sur les maladies psychiatriques, l’infection par le VIH, le cancer, des antécédents d’IVG, contrevient au sentiment d’appartenance de ses informations. Là réside la première étape pour ouvrir la voie aux interconnexions des données personnelles. Faut-il rappeler combien les données personnelles de santé sont un enjeu majeur pour de nombreux acteurs : assurances, banques, employeurs...?"

[6Auditionné le 13/12 par la CNIL.

[7Lire les derniers articles consacrés à ce sujet sur Fulmedico.org

[8Cf "Confidentialité des données médicales détenues par les CPAM", Conseil national de l’Ordre, 16 jan 2006.