Groupe TF1

Pour diffuser périodiquement sur ses antennes des émission de propagande et de manipulation sécuritaire. Ses dirigeants n’ont jamais caché leurs penchants pour les politiques répressives et la main mise de la publicité sur « nos cerveaux disponibles ». La filiale du groupe Bouygues est même devenue un temps n°1 mondial de la vidéosurveillance « intelligente »...

La France a peur

TF1 et sa filiale LCI, en position dominante sur le marché français de la télévision grand public, est devenu, depuis sa privatisation en 1987, l’arme fatale du groupe de BTP Bouygues pour caresser le pouvoir dans le sens du poil, relayer les politiques sécuritaires et maintenir auprès de son audience un climat de peur et de méfiance.

Un ouvrage de Pierre Péan en 1997 rappellera comment l’état-major du groupe soutiendra la campagne de Balladur et l’arrivisme de ses lieutenants, dont Nicolas Sarkozy.
 [1] Très vite des émissions de "reportages" détournent des faits divers pour en faire une arme de manipulation douce. Emblématique : "le Droit de savoir", qui sévit encore en 2008, mélange les sujets trash (prostitution, échangisme...), la traque aux "profiteurs" précaires (RMI, allocs, Sécu...), et la promotion décomplexée de la loi et de l’ordre (sujets "embarqués" dans des unités d’élite, comme la BAC, le RAID ou le GIGN).

Mais l’apogée de cette stratégie se déroulera en 2002, année de la campagne présidentielle. Comme l’a résumé le sociologue du Collège de France Loic Wacquant :
« Les émissions spéciales se multiplient, tel le « Ça peut vous arriver » du 13 février [2002] sur TF1 qui, à la rubrique des violences scolaires, déroule l’histoire d’un gamin suicidé à la suite d’un racket de cour d’école primaire, cas totalement aberrant mais prestement érigé en paradigme, pour les besoins de l’Audimat. Les hebdomadaires regorgent de reportages révélant les « vrais chiffres », les « faits cachés » et autres « rapports explosifs » sur la délinquance, où le sensationnalisme le dispute au moralisme, sans oublier de dresser périodiquement l’effroyable cartographie des « quartiers interdits » et d’égrener les « conseils pratiques » indispensables pour faire face aux dangers décrétés omniprésents et multiformes ».
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Ses JT vont gonfler les faits de délinquance pour en faire un feuilleton quotidien propre à manipuler l’opinion et à instrumentaliser le débat public. Selon les calculs du Canard Enchainé :


 Janvier 2002. PPDA (en semaine) et Claire Chazal (le week-end) ne présentent pas moins de 90 sujets sur l’insécurité. Sans compter ceux consacrés au terrorisme, à la pédophilie ou à la violence urbaine dans les pays voisins. Parmi ces 90 reportages, seule une poignée est axée sur la prévention de la délinquance. En revanche, TF1 se montre fort bavard sur les incendies de voiture (thème développé 7 fois), la violence dans les écoles (7 fois aussi) ou sur la montée de la criminalité.
 Février. TF1 connaît une petite baisse de forme avec seulement 37 séquences consacrées à l’insécurité (et) la délinquance dans les transports publics (5 fois en un mois).
 Mars. C’est reparti, avec 53 reportages "insécurité" dont, il est vrai, une bonne vingtaine consacrée au drame de la tuerie de Nanterre. Pour le reste, TF1 continue dans sa veine habituelle avec les attaques de commissariats, les vols dans les centres commerciaux et une dizaine de séquences sur la violence des mineurs.
 Avril. Jusqu’au premier tour de la présidentielle, 32 reportages sur l’insécurité. (...) Mais au lendemain du 21 avril, l’insécurité disparaît presque des écrans (7 séquences seulement jusqu’au 12 mai). (...).
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A propos de l’affaire "papy Voise", qui éclate le 20 avril 2002 :
« Ce jour-là, TF1 annonce à 6h45 qu’une personne âgée a été "rouée de coups suite à une agression à Orléans". L’information est ensuite reprise 19 fois dans la journée du 20 avril par LCI, qui consacre un total d’une demi-heure (24 min 48) à Paul Voise. (...) TF1, qui n’a pas mentionné l’information à 13 heures, donne un long reportage en début de journal en montrant le visagé tuméfié du septuagénaire, mais aussi le "comité de soutien qui vient de se créer" .
 »
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Cerveaux disponibles

Personne n’a oublié les fortes pensées du PDG, débarqué en 2007, Patrick Le Lay :
« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...). Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...). »
 [5]

Il tentera un peu plus tard de se rattraper. En pure perte :
 « Télérama : Dans quel cadre avez-vous prononcé cette phrase ?
 Patrick Le Lay : Ce n’était pas une interview officielle. (...) Je ne reconnais cependant pas le métier de TF1 dans cette formule et je ne me retrouve pas dans les propos qu’on me prête : on me transforme en marchand de cerveaux !(...) La logique de TF1 est une logique de puissance. Nous vendons à nos clients une audience de masse, un nombre d’individus susceptibles de regarder un spot de publicité. Pour les annonceurs, le temps d’antenne ne représente rien d’autre que des « contacts clients ». De l’attention humaine. En particulier celle de la fameuse ménagère de moins de 50 ans, largement décisionnaire dans les achats de produits alimentaires, d’entretien ménager et de beauté.
 »
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La campagne de 2007 et la mise à l’écart du tandem Le Lay/Mougeotte n’a rien changé. De Nonce Paolini, son président : « TF1 ne doit pas chercher à investiguer au-delà du nécessaire ». Paolini a été décoré de la légion d’honneur en juillet 2007 par Nicolas Sarkozy. Et l’ex-directeur de campagne de Sarkozy s’est recyclé chez TF1.

La parenthèse Visiowave

Quand on parle d’« intelligence », TF1 pense plutôt « vidéosurveillance ». Pendant quelques années, elle a investi dans Visiowave, une petite entreprise suisse qui s’est présenté comme leader mondial dans da surveillance "prédictive", qui implique la détection des "comportements suspects", spécialement dans les transports publics—le tout couplé à un réseau de télévision interne qui crache des spots de pub, ce qui lui vaudra un Orwell Entreprise en 2004. L’année d’après, l’un de ses vice-président adaptait son discours pour humaniser son entreprise : grâce à ses systèmes de "détection des comportements", il se pourrait que l’on puisse repérer dans la foule une personne aux tendances suicidaires... Visiowave, trop encombrant pour TF1, sera revendu à General Electric Security en 2004.
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