Les Infiltrés (F2) et le JT de TF1 - Les journalistes qui font le boulot de la police

Par conviction ou complaisance, des journalistes zélés sont toujours là pour souffler sur la braise sécuritaire, amplifier les faits divers pour servir le politique, pour emprunter des méthodes policières ou même collaborer ouvertement avec les services officiels. Six cas d’école : Emmanuel Chain (TF1) - le JT de TF1 - Les Infiltrés - France 3 - M6 - Le Figaro.

Ce prix a vocation à pointer des « opérations de propagande politique, commerciale, publicitaire, médiatique » qui « banalisent la société de surveillance, par leur manipulation du discours sécuritaire, leur stigmatisation de "menaces" opportunistes ou toute autre instrumentalisation du débat public ».

Les médias ont généralement une bonne conscience de l’état de délabrement des libertés publiques. Mais des moutons noirs continuent leur travail de sape. Voici quelques cas qui traduisent une conception bien singulière du métier de journaliste.

Emmanuel Chain, TF1

« Haute Définition : 100 minutes d’investigation », nouvelle émission de mars 2010 produite par Emmanuel Chain (Elephant et Cie). En mars dernier, affaire de Tremblay : un "reportage" sur le trafic de drogue, et le jour de la diffusion descente de police dans les quartiers. Le producteur Chain reconnaîtra que les policiers ont pu voir le reportage avant diffusion.
 Lire par exemple Le Post, 30 mars et 13 avril.

CO-LAUREAT
La rédaction du JT de TF1

Affaire Continental : le JT de TF1 auxiliaire de la PJ

JPEG - 19.4 ko

Lors d’une action mouvementée dans une préfecture, des Contis présents vont se faire identifier grâce aux images de reportages. Les images serviront de pièces à charge au cours de leur procès. La pièce principale du dossier est un reportage de TF1, filmé le jour du grabuge. A l’inverse de tous les autres médias, TF1 n’avait pas flouté les visages. Circonstance aggravante, un accord avait été passé avec l’ensemble des équipes de journalistes sur place, y compris les photographes : pour suivre l’action des syndicalistes, ils devaient dissimuler les identités au moment de la diffusion des reportages à l’antenne. "Le reporter de TF1 m’avait pourtant dit à 15h : "T’inquiètes pas, les images seront floutées", se souvient le délégué CGT Xavier Mathieu. Mais le soir même c’était : "désolé, on a eu un problème technique".
 Lire par ex. : « Manipulations répétées en faveur du pouvoir : et si l’on coupait l’antenne à TF1 ? » http://www.plumedepresse.net/spip.p...

CO-LAUREAT
Les Infiltrés (France 2 / CAPA)

Le producteur des "Infiltrés" (CAPA) refuse de livrer ses sources sur un reportage sur les prostituées mineures de l’Est, mais une de ses équipes a pourtant accepté de les livrer dans une affaire de pédophilie. Sur France Inter il confie même : « si c’était une affaire de terroristes, bien sur, nous donnerions nos sources ». Pourtant la charte des devoirs des journalistes stipule qu’« un journaliste digne de ce nom ne confond pas son rôle avec celui du policier ». L’article 109 du code de procédure pénale affirme que « tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ». Et certains avocats spécialisés ont affiché leur désaccord avec Capa.
 Herbé Chaballier dans Le Monde, 14 avril
 Lire aussi cette tribune dans Acrimed : « Les Infiltrés » et la protection des sources : « Infiltration douloureuse »,, 10 avril 2010.
 Lire le dossier d’Arrêt sur image, 10 avril, "JOURNALISTES TÉLÉ, ET AUXILIAIRES DE POLICE ?"

La direction de France 3

L’affaire du "off de Sarkozy" :
Une vidéo off où on voit et entend Sarkozy papoter avec les techniciens de plateau et s’offusquer de ce que l’un d’eux ne lui dise pas bonjour" a atterrit sur le site de Rue 89 qui s’en est amusé. Colère de l’Elysée, menaces, puis colère noire car Rue 89 refuse de donner le technicien fautif. Il faut sanctionner le coupable. Mais rien n’est possible sans motif. C’est la direction de France 3 qui va le fournir en mençant de porter plainte pour., puis en déposant plainte pour " recel" de bien public autrement dit des cassettes.
Grâce à leur complaisance, le juge d’instruction va auditionner et parfois mettre en examen des techniciens de la chaine, des journalistes de France 3 les responsables de Rue 89, puis lejournaliste Augustin Scalbert qui a signé le papier et mis en ligne la vidéo. Dans cette affaire, comme dans celle des Beaux Arts, le directeur a veillé à préserver la "neutralité" et non l’indépendance du service public. Bel exemple de servitude volontaire.

L’info M6

Zone Interdite et Enquête exclusive, du moins du temps où elles étaient présentées par Bernard de la Villardière (jusqu’en 2005), sont des émissions qui fleurent bon le populisme et la propagande pro-sécuritaire. Ce dernier n’est pas seulement journaliste, mais aussi membre du conseil d’administrations de la Fondation Suez et du discret Club des Vigilants, une secte patronale qui veut « détecter les grandes tendances socio-économiques susceptibles d’influer sur l’avenir de nos sociétés en interaction croissante. » Est-il besoin de donner ses sources ? De détailler les différents sommaires des émission, le contenu des reportages ?
 Zone Interdite : Sa remplaçante a été plutôt pugnace face à Hortefeux).
 Enquete exclusive : une recherche ciblées sur Telerama.fr
 Dernier avatar : le JT de M6 : "l’information à la trappe", selon Acrimed : Pour concurrencer TF1 et France 2, le JT de M6 se distingue par sa forme et accentue les travers déjà existants dans les autres JT, par la mise en spectacle de l’information et le recours massif aux faits divers.
 Acrimed : http://www.acrimed.org/article3241.html

Jean-Marc Leclerc, Le Figaro

Dans la presse écrite il n’est pas le seul mais a gagné sa place. Ses articles sur les thèmes chers aux ministres de la sécurité participent activement au lavage des cerveaux visant à faire accepter, par exemple, la vidéosurveillance. C’est lui qui révéla plusieurs scoops sur la prétendue "efficacité" des caméras, dont un papier titré "Vidéosurveillance : le rapport qui prouve son efficacité" présentant un rapport officiel commandité qui s’avèrera très controversé sur ses sources et sa méthodologie entre autre, si ce n’est complètement bidon.

Sources :
 Voir ici les premières fuites et là celles sur le rapport bidon
 Et enfin : Vidéosurveillance : un rapport qui ne prouve rien(.pdf, des sociologues Le Goff et Heilmann).

JM Leclerc est aussi, c’est son plus grand titre de gloire, membre du "groupe de contrôle des fichiers de police", un "machin" créé par le ministère de l’intérieur. Le Syndicat de la magistrature, invité à y siéger, a claqué la porte après 2 réunions, justifiant son choix du fait de « la place très minoritaire de la société civile dont le regard critique et la marge de manoœuvre à l’égard du gouvernement apparaissent quasiment nuls ».
 Voir aussi Bakchich.info : Le Figaro, juge et partie