L’entreprise INCB — « Informatique et contrôle par badge » — annonce fièrement sur le site internet de sa marque Turboself : « Contrôle d’accès en milieu scolaire : 1800 établissements équipés (...), Lycées ou Collèges situés sur toute la France, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, sur l’Ile de la Réunion, en Nouvelle Calédonie » [1].
Alise, son concurrent direct, revendique « 16 ans d’expérience, plus de 1.300 établissements scolaires équipés dont 180 en biométrie » [2].
Dans leurs "solutions", elles incorporent bien évidemment la biométrie, dont l’introduction en milieu scolaire, pour gérer l’accès à la cantine ou pour compter les absences (parfois les deux en même temps), ne cesse de faire polémique surtout lorsqu’il s’agit d’enrôler des enfants mineurs.
Toutes les deux se vantent d’être "compatible Sconet". Sconet, c’est le fichier obligatoire que l’Education nationale a conçu pour tous les collèges et lycées (c’est l’équivalent de Base élèves dans le second degré). Un argument de poids pour des chefs d’établissements souvent avides de solutions technologiques pour « fluidifier » les entrées-sorties et réduire leur charge de travail. Inciter au croisement de tels fichiers, aux finalités complètement différentes, avec tant de désinvolture de la part d’entreprises commerciales, méritait d’être salué.
Alise fait même l’éloge de ses logiciels "dressés" contre l’école buissonnière ! L’application Solaris lui permet de siphonner les données du système biométrique [Arc-en-Self] installé à la cantine : « Avec Scolaris et Alise doublez vos chances de contrer L’absentéisme ! Scolaris permet maintenant de récupérer les informations de présence de Alise ARC-en-SELF. Une fois les données importées dans Scolaris vour pourrez détecter instantanément les anomalies d’absence/présence. »
Elles insistent sur le côté "ludo-pratique" de leurs "solutions", histoire de mieux dompter les enfants, mais très rarement pour les informer de leurs droits... Simplicité, "praticité", fluidité, "évolutivité"... tout est bon pour faire passer la pilule, place au conditionnement, à l’acceptation précoce de ces techniques de contrôle. Pour l’instant il s’agit de mélanger absences, cafétéria, cantine, frais de photocopies... Mais demain, pourquoi ne pas y incorporer la gestion des droits pour pénétrer dans telle ou telle partie de l’établissement : le gymnase, la salle informatique, la bibliothèque (qui emprunte quoi et combien de temps ?), et pourquoi pas, l’infirmerie ?
– Alise insiste lourdement sur la "simplicité", la "fluidité" des dispositifs. Bien sûr, ses produits « respectent la loi et sont autorisés par la CNIL » : « L’opération d’enregistrement des données pourra alors s’effectuer. Pour plus de simplicité, elle sera réalisée en situation, dans le cadre du passage au self. L’attente des élèves sera ainsi mise à profit pour saisir leurs informations personnalisées. (...) Si l’utilisateur porte une bague, la pierre devra se trouver en position normale, vers le haut. Un administrateur sera désigné, qui autorisera l’enregistrement d’une main “passe”, permettant éventuellement de forcer le passage de convives bloqués pour cause de solde insuffisant ou de jour interdit (application restaurant), par exemple. »
– INCB/Turboself fournit aussi des cartes à puces RFID ou des cartes à code-barre. Elle met ainsi en avant son concept de « Carte Unique », qui « permet une gestion des accès évolutive en fonction de vos besoins mais aussi, une facilité d’utilisation pour les porteurs de cartes ». De quoi « utiliser une seule carte sur l’ensemble de notre gamme de produits tel que le self, la réservation, la cafétéria, les photocopieurs, les accès... » Et bien-sûr, l’entreprise promet de gérer une « base de données unique », « un seul logiciel pour gérer l’ensemble des points de contrôle d’accès ». « Ainsi, en centralisant toutes les données, l’exploitation des informations s’en trouve simplifiée ». « Par exemple, si un élève perd sa carte, il suffit de saisir une seule fois son nouveau numéro de badge et l’information est répercutée sur l’ensemble des applications ».
Des témoignages de parents d’élèves nous sont parvenus expliquant que ces sociétés parviennent à convaincre les proviseurs en mettant en avant cette centralisation et l’avantage de disposer d’un seul "sésame" pour tous les besoins de l’établissement. Rappelons que la bien timide CNIL a toujours été sensible à cette question des bases "centrales et uniques", ce dont la société ne tient donc aucun compte dans son argumentaire commercial.