À Larmor-Baden dans le Morbihan, neuf maisons inoccupées ont été incendiées depuis décembre 2011. Malgré les efforts et moyens fournis par la gendarmerie, les coupables sont encore dans la nature.
À la demande du procureur de la République de Vannes, Thierry Phelippeau, les hommes de la commune âgés de 15 à 75 ans (350 à 400 personnes) ont été « invités », début février 2013, à se prêter à un prélèvement ADN, à des fins de comparaison avec une trace trouvée sur le lieu d’un des incendies. « Le seul élément intéressant que nous ayons est un ADN retrouvé sur un des lieux et inconnu au FNAEG. Les autres pistes n’ont rien donné. » justifie-t-il.
Mais les gendarmes ont été interrompus dans leur récolte de cellules humaines par un des habitants sollicités: Simon Tattevin, un enseignant rennais trouvant le procédé disproportionné. Mis en échec (bien que le refus de prélèvement soit considéré comme une infraction qui peut être punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende) nos deux cueilleurs à képi sont donc, dans un premier temps, repartis bredouilles.
Deux semaines plus tard, ils reviennent avec de plus fermes instructions. Le ton a changé, bien plus agressif cette fois : après lui avoir demandé ce qu’il avait à se reprocher et l’avoir assuré qu’obtenir son ADN ne serait pas un problème (“De toutes façons, si on veut votre ADN, on l’aura.” »), ils rebroussent chemin une fois de plus.
Le prélèvement et la comparaison d’empreintes génétiques ne sont autorisés que s’il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » l’individu en question d’avoir commis une des infractions prévues. Mais dans un tel cas, l’ADN ne pourra pas être conservé dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Or dans le cas présent, il existe, d’après le procureur, bien une telle raison, puisque « Les témoignages et l’ADN recueillis confirment que l’auteur est sans doute un homme ». « Cela revient à considérer tous les hommes de la commune comme suspects et à créer une peur rampante, explique Simon Tattevin. Je n’ai rien à cacher. Mais les gendarmes n’ont aucun faisceau de preuves les autorisant à me considérer comme suspect. Ils n’ont fait aucun travail d’enquête sur moi, n’ont même pas cherché à savoir si j’étais présent lors des incendies. Le travail de police ne se résume pas à prélever des ADN et à considérer le premier qui refuse comme suspect ! ».
Bien évidemment, le procureur s’engage à détruire les prélèvements ADN une fois les habitants disculpés, seulement « au vu des irrégularités dénoncées par la CNIL dans d’autres fichiers de police comme le STIC », Simon Tattevin doute.
L’enseignant désobéissant, devient donc suspect numéro 1. « Puisqu’il refuse de donner son ADN, nous ne pouvons l’exclure de la liste des suspects, cela va nous obliger à travailler sur cette personne, à s’intéresser à lui », estime le procureur de la République.
Le 23 mars 2013, Simon Tattevin envoie une lettre ouverte au procureur accompagné du Meilleur des mondes, le livre d’anticipation d’Aldous Huxley. Lettre également envoyée au maire de Larmor-Baden, à la CNIL, à la Ligue des droits de l’homme, au Syndicat de la magistrature et également aux médias Le Mensuel, Le Télégramme, Ouest-France, Le Canard enchaîné, Mediapart, France Bleu et France.