SONACOTRA Rhone-Alpes

Pour sa politique systématique de fichage des étrangers en situation irrégulière et de collaboration volontaire avec les services de police

Explications :

Dérapage local de cet organisme privé qui gère des logement sociaux pour les travailleurs étrangers. Constitution et exploitation d’un fichier illégal.

A CHARGE

 Enquête de Libération (février et mars 2000) : Fichiers " à connotation raciale " transmis aux policiers.

Extraits (Libération, 11/02/2000) :

"En Rhône-Alpes, les fiches des résidents sont illégalement livrées à la police. Les foyers Sonacotra, antichambre des commissariats L’entreprise et la police échangeaient des renseignements sur la vie et la situation des locataires. La direction se dit « choquée ».

(...) Les responsables de la Sonacotra de la région Rhônes-Alpes l’ont tellement bien compris qu’ils ont pris l’habitude d’envoyer tous les mois le fichier complet de leurs résidents, étrangers ou pas, aux agents de la police de l’air aux frontières (PAF), qui s’épargnent ainsi de fastidieuses recherches. (...) Ce n’est pas une dérive individuelle, il existe un accord entre les policiers et - au moins - la direction régionale de la Sonacotra en Rhône-Alpes, dont Libération a aujourd’hui la preuve. (...)

(...) La brigade mobile de recherche interrégionale, qui dépend de la Direction du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins (Dircilec, redevenue la PAF) pour le Sud-Est, envoie un courrier de routine aux différents « directeurs d’unité de gestion », les patrons des foyers. « Suite à l’accord passé avec votre direction [...] nous avons réceptionné les listings des résidents des foyers à votre charge aux fins de vérifications de la position administrative des étrangers ». (...)

Ces listings proviennent d’une base de données interne, joliment baptisée Domus 34. Les directeurs des foyers y entrent le nom, le prénom du résident, lui attribuent un numéro, notent son lieu de naissance, sa nationalité et la nature des papiers d’identité qu’il a présentés à son arrivée.

Il y a déjà une première curiosité. Des résidents sont étiquetés ici et là comme « France naturalisé », « France outre-mer » ou « France métropolitain » pour ne pas inscrire franchement Blanc ou Noir. « Il est certes prévu pour tous les bailleurs sociaux de recueillir la nationalité des nouveaux arrivants, mais pas leur origine », explique la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), qui s’avoue « un peu surprise » de l’affaire. Ensuite le responsable de la sécurité de la Sonacotra remet gentiment les listings à la police.

C’est illégal. L’article 6 du décret du 30 juin 1946 impose certes aux gestionnaires de foyer de remplir, à la main, une fiche de police signée par le nouvel arrivant, mais le patron du foyer la garde sous le coude, et est tenu de la présenter à la police que si on la lui réclame. Reste, évidemment, que s’il découvre qu’il y a quinze personnes dans une chambre, il doit prévenir la police pour éviter d’être à son tour poursuivi pour « aide au séjour irrégulier ». (...)

La police reconnaissante. La police apprécie le coup de main. Les listings sont remis à des emplois jeunes du ministère de l’Intérieur, qui s’envoient le boulot ingrat : ils vérifient nom par nom les résidents dans le fichier de la police. Si la personne est

recherchée, par exemple pour défaut de pension alimentaire ou défaut de titre de séjour, ou si elle est inconnue, le jeune policier l’inscrit sur une belle feuille intitulée « documents à collecter » pour en savoir un peu plus sur le suspect. On renvoie la liste à la Sonacotra, qui fait sa petite enquête, de foyer en foyer. Le coordinateur sécurité photocopie le dossier complet du résident et le remet à la PAF. Il ne reste plus qu’à cueillir le suspect qui ne se doute de rien.

Ça marche. « Suite à l’interpellation le 28 juillet 1998 d’une personne locatrice (sic) d’une chambre dans le foyer Sonacotra Frédéric Fays à Villeurbanne, qui détenait une fausse carte nationale d’identité, je tenais à vous remercier vivement de l’aide que vous nous avez apportez en nous donnant de précieuses informations concernant cet individu », écrit un gardien de la paix au responsable Sonacotra. Le 5 novembre 1998, « suite à notre intervention dans le foyer Reynier à Saint-Fons, je me permets de vous remercier vivement de l’aide substantielle que nous nous avez apporté tant par vos conseils sur les précautions à prendre pour une intervention dans cet établissement que par votre connaissance des locaux ».

(...) Me Francis Terquem, pour SOS-Racisme a assigné en référé la Sonacotra pour obtenir copie du fichier, et attend que le greffe pénal fixe une date d’audience. « Pour l’instant, nous nous posons beaucoup de questions, dit Malek Boutih, le président de l’association. (...) Les policiers étaient-ils seuls à utiliser ces fichiers ? Ces pratiques n’ont-elles lieu qu’en Rhône-Alpes ? Nous avons de vraies raisons d’être inquiets ».- SUITE - Après l’audience de référé :

Libération, 4 et dimanche 5 mars 2000 :

Extraits : "« Ces mentions, on les revendique, a indiqué Me Véronique Lartigue, pour la Sonacotra, nous n’avons pas honte de cet état de fait, ce que vous voulez prouver, on le reconnaît. » SOS-Racisme, qui demandait vendredi en référé à Paris copie du fichier par huissier, s’est trouvé du coup dans une position juridique bancale, mais, pour gagner son procès, la Sonacotra s’offre une contorsion qui risque de perturber son image.

(...) Non seulement le fichier n’a pas été modifié, mais, selon son avocate, il ne s’agit plus de discriminations mais de « distinctions », pour le plus grand bien des étrangers. « Nous ne contestons rien de ce qui a été produit, explique Me Lartigue, le listing mentionne effectivement la variable ethnique. Mais pour savoir si le résident est immigré, il faut bien mentionner sa nationalité d’origine, et c’est un besoin pour les aider, c’est notre vocation. » Emportée par le mouvement, l’avocate part dans une très étrange distinction entre les étrangers et les immigrés, qui fait sursauter jusqu’à la présidente. Pour Me Lartigue, l’immigré est un étranger qui reste à vie immigré, même si par la suite il devient français. Il n’y a que ses enfants qui soient simplement français. (...)