Les exemples d’étrangers avec ou sans papiers interpellés lors de leur passage dans une administration ou un organisme public se multiplient. Ils le doivent aux dénonciations et interventions de quelques agents zélés, qui confondent mission de service public et travail de police.
Une compilation réalisée par le Collectif anti-délation, en novembre 2008, est édifiante :
– Préfecture de Rouen : malgré un accompagnement par la vice présidente de la Ligue droits de l’homme, une étrangère qui n’avait pas reçu son OQFT ("obligation de quitter le territoire français"), dont le délai était sur le point d’expirer, est victime d’un employé zélé, qui après l’avoir aidée à remplir un nouveau dossier lui demande d’attendre un moment. Ce sont deux policiers qui viendront l’arrêter. la Préfecture a organisé son départ et 48 h plus tard elle était dans l’avion.
– Tribunal d’instance de Rouen : M. X, en situation irrégulière, est convoqué par le Juge aux affaires familiales, qui statue sur la garde de ses enfants. Après dénonciation de son ex-compagne, un véritable guet-apens lui est tendu. Il est arrêté par un dispositif policier impressionnant en plein tribunal et placé en rétention administrative. Il sera libéré, son avocat ayant fait valoir l’irrégularité de son arrestation.
– Bureau de poste de Châtellerault : un Guinéen s’est présenté mi-novembre pour retirer de l’argent. Il présente un passeport mais l’employée au guichet a « un doute sur la validité de la pièce d’identité » et refuse de lui donner son mandat cash. la guichetière appelle son supérieur... qui contacte aussitôt la police. Quelques minutes plus tard, celle-ci débarque, et cet homme est interpellé.
– Janvier 2008 : un contrôleur de la SNCF contacte la police des frontières, soupçonnant Aurore P., étudiante à l’université de Tours, de vivre illégalement sur le sol français. Inscrite en 2e année d’histoire, l’étudiante de 22 ans obtient immédiatement le soutien du président de l’Université et des élus locaux, ce qui favorise sa régularisation.
Dans les services d’état civil des mairies
Nombre de mairies demandent clairement dans la liste des papiers à fournir, des autorisations de séjour en France aux étrangers qui veulent se marier. En cas de présence d’un ou une sans papiers le service d’état civil, avec la signature de l’officier d’état civil (le maire, un adjoint ou un simple élu qui ont délégation du maire) prévient le procureur de la République pour suspicion de mariage blanc ou arrangé. Le procureur demande à la police d’enquêter.
– Belfort, mai 2008 : un employé du service de l’Etat civil, dont la mission est d’aider au mariage, a été confondu pour avoir tendu, avec la Préfecture du Territoire de Belfort, un piège à un sans-papiers.
– Montpellier, début octobre : arrestation d’un étranger venu déposer un dossier de mariage à la mairie.
– Reims, fin octobre : deux couples se présentent à la mairie pour se marier. Dans ces deux dossiers, l’un des 2 futurs époux est sans papiers ! Ils sont dénoncés au procureur… et se retrouvent placés en rétention administrative.
– Paris, mairie du 5ème, fin octobre : une femme de 30 ans, Équatorienne et sans-papiers, s’est fait convoquer un matin au commissariat. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas de papiers. C’est la mairie où elle a inscrit son enfant à l’école qui l’a dénoncée. Le maire Jean Tiberi : "Je n’ai pas à désapprouver ce fonctionnaire. Ce sont les textes qu’il faut revoir."
– Chalons, 6 novembre : le service de l’état civil dénonce des sans papiers au procureur dans le cadre d’un mariage entre un français et une étrangère. Dorothée, ivoirienne, est placé en rétention.
Dans les organismes sociaux
– CAF de Paris : le foyer Aurore, dans le quartier de Montparnasse, s’est inquiété d’avoir reçu un courrier à en-tête de la CAF demandant « une copie intégrale d’acte de naissance récente » de tous les résidents de nationalité étrangère ». « Simple formalité pour vérifier le N° de Sécurité sociale qui figurera au Registre national des bénéficiaires (RNB) », se justifie la CAF.
– Besançon, juin 2008 : une assistante sociale a trahi sa mission et viole le secret professionnel auquel elle est tenue, en se rendant au commissariat pour dénoncer la présence d’un sans-papiers dans la famille des mineurs dont elle a la charge. Ce PV a été réalisé à sa demande par l’assistante sociale ; il apparaît bien qu’il s’agit d’une dénonciation d’une personne sans-papiers et non d’un signalement ayant trait à la protection de l’enfance. Le code de l’action sociale prévoit des cas dans lesquels un professionnel est dispensé de son secret. La dénonciation d’un sans-papiers n’en fait pas partie.
– CAF de l’Yonne (Auxerre), février 2009 : une personne de nationalité angolaise, accompagnée par un responsable d’Emmaüs, se présente sur convocation de la caisse pour retirer son attestation d’Aide médicale de l’Etat (AME). Un agent téléphone alors, sous prétexte de vérification d’identité, à la préfecture, laquelle demande à l’agent de saisir le passeport et faire patienter au guichet le bénéficiaire. La police vient procéder à son arrestation dans les locaux. Il est placé en rétention, mais devant la gravité de son état de santé, il sera libéré par les autorités après plusieurs jours d’enfermement.