Les militants Charles F. dit "Moustache", ainsi que J.-C. Lenoir, membres du collectif "C-Sur" de Calais ont été poursuivis pour "aide au séjour" d’étrangers en situation irrégulière, et ont donc été victimes de la surveillance accrue que permet la loi Perben 2. Leur procès a mis en lumière la fragilité des prévenus étrangers face à une "présomption de culpabilité".
Il conviendrait de nominer aussi ces étrangers sur lesquels pèse une étrange présomption de culpabilité, accusés d’être "passeur" alors qu’il sont simples demandeurs d’asile en transit.
Leur procès a eu lieu le 19 août 2004 à Boulogne-sur-Mer. Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) s’est indigné de la façon dont se sont tenus les débats :
"Le simple fait que des militants, agissant dans un but purement humanitaire, se retrouvent aux côtés de personnes soupçonnées d’être des passeurs donne à réfléchir...
"L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 n’avait au départ vocation à s’appliquer qu’à ceux qui agissent à des fins lucratives. Mais son imprécision a permis ensuite le genre d’amalgames dangereux souligné par ce procès. Ce texte ne fait pas de différence entre des passeurs qui exploitent la situation précaire des clandestins candidats à l’exil et des individus ou des associations qui soutiennent, accueillent, nourrissent et protègent ces étrangers. En cela, il est contraire à la directive communautaire du 28 novembre 2002 (1) qui ne prévoit la répression de l’aide au séjour irrégulier que si elle est commise sciemment et dans un but lucratif.
’La mise en scène, elle-même, du procès est assez éloquente : les sept prévenus irakiens arrivent menottés, encadrés par une vingtaine de policiers quand les deux Français viennent en comparution libre. Il a même été proposé par le président du tribunal de réduire leur identité à leurs surnoms alors même qu’il n’aurait pas osé suggérer une telle pratique pour Charles Frammezelle, plus connu sous le nom de Moustache. Encore un élément purement formel mais non moins significatif : l’absence de l’interprète assermenté n’a pas revêtu l’importance qu’elle méritait.
"Une série de préjugés criminalisent la figure de l’étranger. La présomption de culpabilité, plutôt que d’innocence, est quasi systématique dès lors que comparaissent des étrangers en situation irrégulière.
"Le mot « clandestin », repéré à plusieurs reprises lors de l’audience pour désigner « ces gens-là » (termes repris indifféremment par le président, le procureur et les magistrats), produit un effet prescriptif puissant : le symbole du noir, du secret, de la triche, de l’informel, du souterrain y est associé. Ces prévenus en situation irrégulière, lorsqu’ils arrivent dans la salle d’audience, sont déjà condamnés." (...)
"Les journalistes qui ont couvert l’événement n’ont pas beaucoup insisté sur le procès des passeurs. Des dizaines d’audience, basées de la même manière que celui ci sur des présomptions et des confusions, ont lieu tous les jours dans l’indifférence générale. De plus en plus de personnes cherchant à passer sont inculpées d’être elles mêmes des passeurs et se retrouvent condamnées à des peines de prison allant de 12 à 18 mois.
"C’est pourtant le moment de réagir pour que la solidarité ne devienne pas un délit, pour que la dignité des étrangers soit respectée, pour que la France soit réellement une terre d’accueil.
"L’article 21, par son imprécision, va à l’encontre de ces principes."
(1) La directive n° 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définit l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier. JOCE n° L 328, 5 décembre 2002.