Du temps où elle était ministre de l’intérieur, MAM avait proposé de tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique. Encore fallait-il en démontrer l’efficacité. Ce pour quoi MAM eu la brillante idée de commander un "rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection".
Pour éviter que, à l’instar de la quasi-totalité des rapports similaires effectués à l’étranger, il ne conclue à l’inefficacité relative de la vidéosurveillance, elle prit bien soin de ne pas en confier la rédaction à des spécialistes indépendants, mais à trois instances directement rattachées au ministère de l’intérieur, qui ne pouvaient donc qu’écrire le doigt sur la couture du pantalon : l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), l’Inspection technique de la gendarmerie nationale (ITGN) et l’Inspection générale de l’Administration (IGA).
Pour bien faire comprendre ce qu’elle attendait d’eux, MAM demanda à ces hauts fonctionnaires, non pas de mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance, mais de le démontrer, comme l’atteste la lettre de mission qui leur fut envoyée [1] :
Le développement de la vidéoprotection est une priorité du Ministre. C’est pourquoi le plan d’action mis en place vise à tripler le nombre de caméras sur la voie publique.Afin de permettre aux collectivités locales gestionnaires de l’espace public de se lancer dans cette stratégie dynamique, il convient de mettre à disposition (…) des arguments propres à soutenir leur adhésion.
Quittant le ministère de l’intérieur pour celui de la justice, MAM a emporté avec elle sa nouvelle loi de programmation sur la sécurité intérieure (Loppsi II), qui prévoit d’investir 2,5 milliards d’euros dans la police et qui, note l’Express, "pourrait changer la vie quotidienne de millions de Français" [2].
Au nom de la lutte contre l’usurpation d’identité, elle permet également de réprimer l’atteinte à la réputation, et donc le fait de « tagger » quelqu’un sur une photo sur un réseau social sans son accord, de critiquer qui que ce soit, un artiste, une personnalité, une personne publique sur un forum ou un blog, et pourrait même s’appliquer au « fait de poster les coordonnées d’un député sur un site en invitant les citoyens à le contacter pour exprimer leur opposition à un texte de loi (s’il s’en suit un nombre important d’appels pouvant nuire à la tranquillité du député) ! ». [3]
La LOPPSI 2 prévoit également le filtrage de l’internet, au moyen d’une liste noire fournie par le ministère de l’Intérieur, mesure qui, non seulement porte atteinte à la neutralité des réseaux, mais qui, de l’avis quasi-unanime des experts, coutera fort cher sans apporter l’ombre d’une solution au problème de la pédophilie, d’autant qu’il ne s’agit pas d’empêcher les pédophiles d’accéder aux sites pédopornographiques : le filtrage de l’internet que prévoit le projet de loi ne concerne aucunement les pédophiles avérés, mais les internautes qui, par mégarde ou par naïveté, pourraient éventuellement y accéder. Et encore : il s’agit moins d’empêcher ces internautes de devenir pédophiles que de leur éviter de se faire escroquer… [4].
Les fonctionnaires de police pourront également, sur autorisation du juge des libertés, utiliser tout moyen (physiquement ou à distance, via des mouchards) pour s’introduire dans des ordinateurs et en extraire des données dans diverses affaires, allant de crimes graves (pédophilie, meurtre, etc.) au trafic d’armes, de stupéfiants, au blanchiment d’argent, mais aussi au délit « d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée »... Or, comme le souligne Rue89, " La seule garantie présentée par le gouvernement, c’est que ce sera sous le contrôle du juge d’instruction. (Or,) on veut justement supprimer le juge d’instruction, donc c’est une garantie post mortem…" [5].
La LOPPSI prévoit également de multiplier les croisements de fichiers, y compris pour les petits délits de tous les jours. Concrètement, note Antonin Grégoire, universitaire spécialiste des services de sécurité, "pour retrouver le scooter de Jean Sarkozy, la police pourra analyser les appels téléphoniques et les retraits bancaires effectués à proximité, croiser leurs informations avec les fichiers d’autres administrations (Fisc, Sécurité sociale, Pôle emploi…), ainsi que des sources ouvertes (Google, Facebook, Twitter). Les conséquences prévisibles ne seront pas une surveillance absolue et quotidienne de tout le monde (impossible sans effectifs), mais une multiplication des cas d’innocents envoyés en garde à vue parce qu’ils auront acheté une pomme au moment du vol d’une pomme." [6].