Les Big Brother Awards dénoncent depuis des années la prolifération des fichiers policiers. En 2008, et pour la première fois, la société civile a vivement réagi en apprenant que Michèle Alliot-Marie voulait, avec le logiciel Ardoise, puis le fichier Edvige, ficher l’orientation sexuelle, le handicap ou encore les opinions politiques, ou appartenances syndicales, de personnes, y compris mineures, considérées comme “suspectes” par la police, ou les services de renseignement.
Confrontée à une levée de boucliers, MAM a (mollement) accepté de revenir en arrière, et proposé d’encadrer, plus sévèrement, l’inscription de telles données sensibles dans ces fichiers dits “de sûreté”. Ainsi, EDVIGE 1.0 a laissé la place à EDVIRSP, pour « Exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique » [1].
Si Edvige et Ardoise ont du être reportés suite à la bronca de la société civile, au même moment elle n’en créait pas moins deux autres fichiers, étrangement passés sous silence, alors qu’ils s’avèrent potentiellement bien plus dangereux. Car Edvige n’est jamais "que" le successeur du fichier des Renseignements Généraux, qui, devenus “Sous-direction de l’information générale” (SDIG), ont vu leurs effectifs passer de 4000 à 1000 policiers. Dans le même temps, la DST, renommée "Direction Centrale du Renseignement Intérieur", passait quant à elle de 2000 à 4000 policiers.
Son fichier, Cristina (pour “Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux”), a certes été déclaré au Journal Officiel, mais le décret est couvert par le secret défense (on n’en connaît donc pas l’ampleur), et l’“avis favorable avec réserves” de la CNIL ne peut, lui non plus, être rendu public [2].
On a depuis découvert que les ex-Renseignements généraux de la Préfecture de police de Paris (RGPP), écartés de la fusion-acquisition des RG par la DCRI, au profit d’une “Direction du Renseignement de la Préfecture de Police” (DR-PP), ont eux aussi créé leur propre fichier, Gesterex (pour "Gestion du terrorisme et des extrémismes à potentialité violente") qui, lui, n’a tout simplement pas été déclaré ni soumis à la CNIL, et qu’il est donc encore à ce jour “illégal”.
Adoptée en 1978 pour protéger les citoyens du fichage policier, la loi informatique et libertés, révisée en 2004, donne aux fichiers policiers un délai allant jusqu’au 24 octobre 2010 pour mettre leurs traitements en conformité avec la loi [3]. Mais le rapport d’information sur les fichiers policiers des députés Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti révèle que si, en 2006, on répertoriait 34 fichiers policiers, on en dénombrait 45 en 2008, et 58 en 2009, soit une augmentation de 70% en 3 ans [Rrapport d’information surles fichiers policiers des députés Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti] !
Conditionnement
C’est bien connu, "Si la surveillance rend méfiant, alors éradiquons la méfiance !". Dans une lettre de mission à Alain Bauer, président d’un "groupe de contrôle" des fichiers policiers, elle entend « renforcer l’acceptabilité des fichiers au sein de la population » [4].
La DCRI est, entre autres, à l’origine de l’arrestation des “9 de Tarnac”. Affaire qui a débuté par l’assault à l’aube d’un commando antiterroriste dans un village de Corrèze. MAM a profité de cet appel d’air pour faire sa sortie sur l’« ultragauche » et ses « mouvances » imaginaires. Une arrestation musclée dont on a découvert depuis qu’elle reposait sur la dénonciation “anonyme” d’un mythomane (déjà inculpé pour dénonciation de délits imaginaires [5]), et qu’elle relevait moins de la constatation de faits avérés que de l’appartenance à une “mouvance” politique considérée comme “présumée suspecte” par le gouvernement [6], [7].
Michèle Alliot-Marie s’est également illustrée en matière de "novlangue", avec son plan de développement de la "vidéoprotection". Ainsi, elle n’a eu de cesse de répéter, pour valider son plan de triplement du nombre de caméras de vidéosurveillance, que "l’efficacité de la vidéosurveillance n’est plus à démontrer", et a fait fuiter dans la presse des chiffres qui ont fait titrer le Figaro, sur sa "une" : "Deux fois moins d’agressions grâce à la vidéosurveillance". Or, aucune étude d’impact n’a été effectuée, en France, et les différents travaux universitaires ont a contrario démontré que si la vidéosurveillance est certes efficace et dissuasive dans les parkings, ainsi que pour limiter le nombre de cambriolages, vols à la roulotte et vols de voiture, par contre, elle n’a strictement aucun effet sur les atteintes aux personnes, que son efficacité resterait par ailleurs très "mitigée et limitée" en terme d’élucidation des crimes et délits, et de dissuasion [Vidéosurveillance : un rapport biaisé].
Autres faits d’armes :
– Le "Conseil économique de sécurité", créé par ses services en décembre 2008, sera quant à lui « chargé de lui faire des propositions en vue d’une "approche globale" de la sécurité mêlant les secteurs public et privé. ». « Face à un développement des risques et menaces de toutes natures, il y a une nécessité de disposer d’une structure indépendante et très diversifiée ».
– Non contente d’avoir milité fortement pour le "commissariat virtuel", et toutes les tentatives pour dénoncer sur internet des "infractions", elle s’est aussi distinguée en vantant les mérites de "Citoyens volontaires", autrefois appelés "citoyens relais", qui reposent sur le concept de "co-veillance" et l’idée que la société doit s’autosurveiller pour être plus "efficace" dans la lutte contre l’insécurité [8]. Ils sont environ 300 "civils" à assister la police dans les rues. Alliot-Marie veut en recruter davantage.