L’Ordre national des pharmaciens et son Dossier Pharmaceutique (DP)

Pour avoir mis en place, sous couvert d’améliorer la "sécurité "et la relation entre patients et pharmaciens, l’Ordre national des pharmaciens a mis en place le Dossier Pharmaceutique (DP), pour en faire une sorte de cheval de Troie du DMP dont le véritable objet est de garantir le "monopole des officines" pharmaceutiques.

Petit cousin du DMP (dossier médical personnalisé, projet gouvernemental), le DP, pour "Dossier Pharmaceutique" a été mis en oeuvre en 2007 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP).

Dans son Livre Blanc, cet Ordre affiche clairement le déploiement du DP comme un "élément majeur" du débat sur le maintien, "en tout point incontestable", du "monopole de l’officine" face à la concurrence annoncée des grandes surfaces et autres parapharmacies.

La CNIL a autorisé le déploiement du DP dans 6 départements en 2007. En février 2008, elle a autorisé la prolongation de l’expérimentation, ainsi que son expérimentation dans deux nouveaux départements*, représentant 2000 officines. En novembre dernier, on dénombrait déjà 88 143 DP créés dans 242 officines. Un mois plus tard, 119 456 DP avaient été créés dans 307 officines. Au 26 février 2008, sur les six départements pilotes, 159 349 DP ont été créés dans 364 officines.

La première expérimentation, lancée le 15 mai 2007, courrait jusqu’au 15 novembre 2007. Le Conseil national de l’ordre des pharmaciens a lancé un appel d’offres pour un audit de sécurité le... 5 octobre.

Pour chaque patient, le DP reprend l’ensemble de ses traitements médicamenteux (de prescription ou de
conseil officinal : nom du médicament dispensé, quantité délivrée et date de délivrance) afin de les centraliser chez un hébergeur de données de santé, le GIE SANTEOS, qui regroupe la SSII Atos Origin et Uni-Médecine.

Objectif :
 repérer les redondances ou les interactions indésirables entre des traitements,
 améliorer le conseil du pharmacien,
 proposer au patient un suivi thérapeutique du pharmacien,
 alimenter le volet médicament du Dossier Médical Personnel (DMP) du patient,

et donc rationaliser les dépenses de santé, et sécuriser le parcours de soin, c’est-à-dire, en pratique, note 01net, "d’éviter les abus, et d’orienter, le cas échéant, le patient vers la prise de médicaments génériques, par nature moins coûteux’, mais aussi, souligne Le Monde, de permettre "à tous les pharmaciens d’avoir accès aux achats d’une même personne" au cours des quatre derniers mois dans n’importe quelle officine.

Le patient, qui doit être muni de sa carte vitale pour que le pharmacien consulte ou alimente son DP, a la possibilité de refuser de voir tel ou tel médicament y figurer (le pharmacien doit alors le "désélectionner", et lui donner une "trace" de ce "refus d’alimentation"), il peut aussi lui refuser d’accéder à son DP (le pharmacien sélectionne alors l’option "refus d’accès").

Au titre de la Charte du Dossier pharmaceutique, les pharmaciens doivent respecter la loi informatique et libertés, "en réalisant les formalités préalables auprès de la CNIL, en recueillant le
consentement exprès et préalable du patient, en informant les patients sur leurs droits d’accès, d’opposition pour des motifs légitimes
", et "s’interdisent tout acte susceptible de résulter, directement ou indirectement, en un détournement des données, et notamment de stocker des données issues du Dossier Pharmaceutique sur leur système local ou de les transférer à un quelconque acteur"

Chaque patient est identifié pour les besoins du Dossier Pharmaceutique par un numéro différent du NIR et destiné à ce seul de l’opération ou de la demande d’opération. Mais, à terme, les données du DP permettront d’alimenter le DMP, dont le développement a pâti "d’objectifs irréalistes, aussi bien dans le calendrier imposé, le coût du projet que dans le modèle économique choisi, modèle dont le potentiel d’économies attendu pour l’assurance maladie ne s’est pas vérifié", selon un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale des affaires sociales et du Conseil général des technologies de l’information, qui notent "par ailleurs que le projet DMP souffre d’une perte de crédibilité et de lisibilité et présente d’importantes zones de risques et d’incertitudes", du fait des polémiques engendrées, et des problèmes de sécurité rencontrés.

Un rapport parlementaire a ainsi révélé que le projet revenait à 550 € par DMP, contre 30 € pour son équivalent anglais, chiffre ramené à 2-3 €/DMP au vu du nouvel appel d’offres...

* Doubs, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, Pas-de-Calais, Rhône, Seine-Maritime, Yvelines et Hauts-de-Seine.