Explications :
Le Conseil des ministres européens pour la Justice et les affaires intérieures (Conseil JAI), profitant de la panique suite aux attentats du 11 septembre 2001, a poussé les parlementaires européens à voter des directives incitant les Etats membres à prendre plusieurs mesures contraires à la démocratie et aux droits de l’homme.
Sur le fond, le Conseil a mis en place des systèmes de surveillance sans s’assurer qu’ils respectaient les droits fondamentaux des citoyens. La sécurité et la coopération policière relèvent en effet du troisième pilier (police, justice, sécurité...), sur lequel l’Union européenne n’a pas de compétences officielles, ce qui annule le pouvoir de co-décision du Parlement. Ces mesures échappent donc à tout contrôle démocratique.
Trois de ces mesures méritent une mention particulière.
– La directive relative au blanchiment, passée en novembre 2001, comporte une forte incitation de "déclaration de transactions suspectes". Ce qui remet en cause, entre autres, l’obligation de secret professionnel faite aux professionnels de la justice et en particulier aux avocats.
Ce texte incite à déclarer toute suspicion, même intuitive, sur le lien supposé d’un client avec un réseau de blanchiment ou un réseau dit "criminel" - une notion vague, qui recouvre les réseaux mafieux comme la petite délinquance, sans rapport avec la sûreté nationale. La directive relative au blanchiment vient d’être en partie implémentée en France en janvier 2004. Conséquences, selon "La Tribune" (1) : "Un pilier de la profession d’avocat, le secret professionnel, risque de tomber à cause d’un avant-projet de loi transposant une directive européenne sur le blanchiment. Selon le projet de la chancellerie, les avocats et d’autres professions telles que les experts-comptables devront déclarer leurs soupçons s’ils suspectent un client de vouloir dissimuler un profit d’activité criminelle."
– La directive 2002, dite "vie privée et communications électroniques", prévoit la rétention préventive et systématique des données de communication, et leur accès par les services de police et d’investigation, dès lors que ces services affirment se placer dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité - sans qu’ils aient à en apporter la preuve. Cette mesure remet en cause la protection des données personnelles (directives de 1995 et de 1997) ainsi que les lois Informatique et libertés nationales, et confèrent à la police des pouvoirs discrétionnaires exhorbitants, en totale contradiction avec le droit de chacun à la vie privée et au secret de la correspondance. La directive 2002 a été implémentée en France dans la loi sur la sécurité quotidienne.
– Plus récemment, le Conseil de l’Union européenne a adopté des mesures visant à créer, étendre et, à terme, interconnecter des fichiers de "sécurité". Parmi les fichiers concernés, Schengen II (fichiers des infractions et des personnes recherchées dans l’Union européenne), Eurodac (fichiers des demandeurs d’asile), le fichier des visas...
Or, les autorités de contrôle de ces fichiers sont mal définies, non financées, sans pouvoirs. Il est question de créer une autorité centrale couvrant tous les fichiers. Le Parlement européen s’est ouvertement élevé contre l’absence de ganranties démocratiques que présente une telle mesure.
Lire aussi sur ce sujet le dossier de candidature du Système d’information Schengen (SIS)