Le Conseil constitutionnel

Pour avoir validé le principe de la "rétention de sûreté". Le CC n’a manifestement pas joué son rôle de garant des institutions, seul recours juridique face à un gouvernement qui n’a de cesse de bafouer les principes fondamentaux de l’Etat de droit

Il aurait été, pour certains, logique de désigner la garde des Sceaux Rachida Dati comme responsable d’avoir porté cette loi sur la "rétention de sûreté". Mais dans cette affaire, la ministre n’a fait que suivre les réquisitions du président Sarkozy, fort de sa volonté d’apparaitre comme le grand défenseur des "victimes".

Il revenait donc au Conseil Constitutionnel de jouer pleinement son rôle de dernier recours face à des atteintes manifestes aux principes fondamentaux d’un État de droit. Pourquoi ?
 La rétention de sûreté peut conduire à priver de liberté un justiciable qui a pourtant effectué sa peine, sous le seul prétexte de sa "dangerosité potentielle". Cette rétention est arbitraire au sens de l’article 66 de la Constitution, lequel s’applique à toute privation de liberté.
 le CC applique au dispositif de rétention une double qualification contradictoire puisqu’il est parfois considéré comme répressif, parfois considéré comme non répressif.
 De telles mesures vont à l’encontre de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, socle de notre constitution. Elle garantit en effet la légalité et la nécessité des peines et la présomption d’innocence (articles 4 et 9).

Dans sa décision, le CC estime pourtant cette mesure « proportionnée
et nécessaire » (sic). De plus, il affirme que ce n’est « ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition ». Et que « la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté ne sont pas des mesures répressives ». CQFD : ainsi, le CC peut tranquillement considérer que la rétention de sûreté n’est pas, en soi, une atteinte aux libertés fondamentales.

Passons sur le caractère rétroactif qu’a voulu imposer le gouvernement, et qu’a donc refusé de valider le Conseil Constitutionnel. [1] En refusant cette faveur, le conseil n’a fait que son travail, et il ne saurait être redevable d’une quelconque reconnaissance pour cet acte. Cette censure partielle apparaît même comme une sorte de calcul politique, son président Jean-Louis Debré ayant voulu, avec cette décision mitigée, marquer son indépendance politique tout en acceptant de valider des principes violant les droits fondamentaux.

P.-S.

Ref : Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008.

Notes

[1Article 8 de la déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».