Le rapport sur les "Fichiers de police et de gendarmerie : comment améliorer leur contrôle et leur gestion ?" a récemment recommandé que "que le ministère des Transports prévoit, sur le formulaire de demande de carte grise, une mention permettant au titulaire de refuser que les éléments fournis soient communiqués à des opérateurs privés".
On vient en effet d’apprendre que les constructeurs automobiles détournaient, depuis des années, le Fichier central des automobiles (FCA) à des fins commerciales... avec l’aval de la CNIL. [1]
Le Fichier central des automobiles (FCA), sous tutelle du ministère des Transports mais sous-traité à l’Association auxiliaire de l’automobile (AAA), elle-même dépendant du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), est alimenté avec les renseignements donnés par les conducteurs (adresse, âge, véhicule possédé,...) lorsqu’ils renouvellent leurs cartes grises en préfecture, et sert aux autorités pour identifier les véhicules volés ou accidentés. [2]
Le quotidien Auto-Plus a révélé que le FCA, grâce auquel les pouvoirs publics peuvent identifier les véhicules volés ou accidentés, servait aux constructeurs automobiles pour alimenter leurs fichiers clients.
Le Journal du Dimanche souligne la complicité au moins explicite du ministère :
"Cette liste est alimentée avec les renseignements donnés par les conducteurs (adresse, âge, véhicule possédé,...) lorsqu’ils renouvellent leurs cartes grises en préfecture. Le FCA a une vocation de service public : il sert aux autorités pour identifier les véhicules volés ou accidentés. "Il est d’ailleurs officiellement sous tutelle du ministère des Transports", souligne-t-on à la Commission nationale informatique et liberté (Cnil). Par ailleurs, toutes les marques ont pour priorité de tenir à jour leurs fichiers clients, une démarche commerciale d’autant plus nécessaire que le secteur va mal. Les Peugeot, BMW ou autre Toyota actualisent donc leurs listes de plusieurs manières : en piochant dans l’annuaire, dans les registres de naissance, dans le fichier de changements d’adresse de la Poste, etc. Dans ce contexte, le FCA est évidemment une source de premier choix.
Comment les fabricants ont-ils accès à ce fichier ? En vertu d’une convention datant des années 80, sa gestion est sous-traitée à une association loi 1901, l’Association auxiliaire de l’automobile (AAA). Or celle-ci dépend du puissant Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), le lobby qui veille aux intérêts de sept marques françaises : Renault, Peugeot, Citroën, Heuliez, Panhard, Renault Trucks et Alpine. Le tour est joué.
(...) Les précieuses données étant payantes, Renault ou Peugeot, en tant que membres du Comité des constructeurs français d’automobiles, sont à la fois clients et patrons du même organisme, l’AAA !
A l’origine, l’Etat avait autorisé ce mélange des genres pour aider les marques françaises à résister à la concurrence étrangère. Aujourd’hui, dans un contexte théorique de libre concurrence, les marques françaises sont donc privilégiées par rapport à leurs homologues étrangères. PSA et Renault disposeraient de données mieux affinées que Toyota ou Fiat. Quant aux petits constructeurs, ils n’ont pas les moyens de se payer ces données. Et doivent se contenter du bottin.
La Cnil pourrait avoir son mot à dire. Lorsqu’un automobiliste change sa crate grise, il devrait avoir la possibilité de s’opposer à son inscription au fichier, pour l’instant automatique. Or, pour sortir du FCA aujourd’hui, et soulager sa boîte aux lettres, il faut écrire soi-même au minitère des Transports ou à l’AAA.