Jean-François Cordet, ex-directeur général de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA)

Un tri sélectif qui ne laisse pas d’empreintes.

Le 8 décembre 2011, l’Office Français des Réfugiés et Apatrides est condamné par le Tribunal Administratif de Melun [1], pour "atteinte grave et manifestement illégale au Droit d’Asile" pour avoir refusé d’examiner la demande d’asile d’un demandeur qui s’était détruit ses empreintes digitales à l’acide ou au fer rouge afin d’échapper à la vérification du fichier EURODAC des empreintes. Selon la procédure Dublin, un demandeur d’asile qui aura été contrôlé dans un autre pays européen avant son entrée en France sera presque automatiquement reconduit dans ce pays pour sa demande d’asile. Afin d’échapper aux conditions de détention intolérables de certains pays [2] qui les ont contrôlé précédemment, les migrants se brûlent donc les doigts sur des tisons ou les poncent au papier de verre et réitèrent l’opération tous les mois pour effacer les empreintes qui se reconstituent.[3] On assiste à une auto-mutilation systématique d’un grand nombre de personnes en vue d’échapper au fichage.

Jean-François Cordet, ancien Directeur de l’OFPRA, à l’origine d’une note interne [4] invitant les officiers de protection à rejeter systématiquement toute demande émanant d’un demandeur qui aurait rendu illisibles ses empreintes digitales, s’est défendu en invoquant d’une pratique dégradante à décourager. Le Conseil d’état a condamné ces pratiques par un référé le 12 janvier 2012 [5]. Pour les 500 demandeurs concernés par le refus de l’OFPRA, le seul recours reste aujourd’hui la Cour Nationale du Droit d’Asile, l’OFPRA refusant d’abroger ses décisions antérieures [6].

Cet épisode honteux pour l’OFPRA, qui se targue de défendre les libertés découlant de la Convention de Genève, n’a pas empêché à Jean-François Cordet d’accéder à un poste de Préfet de la Région Picardie sur décision du Conseil des Ministres, le 27 juillet 2012. Peut-être a-t-on jugé qu’il avait fait preuve des compétences requises pour ces nouvelles fonctions ...

[1] Un doigt d’asile sauvé au tribunal
[2] La Grèce a fait l’objet de plusieurs rapports de Human Right Watch dénonçant les traitements inhumains et dégradants subis par les migrants et demandeurs d’asile en Grèce lors des contrôles de police et des détentions Updated Human Rights Watch Submission to the United Nations Committee against Torture on Greece et Grèce: Mesures de répression abusives à l’encontre des migrants
[3] Les « doigts brûlés » de Calais
[4] Sans doigt ni droit
[5] Conseil d’État, Juge des référés, 11/01/2012, 354907, Inédit au recueil Lebon
[6] LA BATAILLE JURIDIQUE DES DOIGTS BRÛLÉS