Fichier "RIM-Psy" du ministère de la Santé

La généralisation du fichier nominatif "RIM-Psy", qui recense les personnes ayant eu affaire à une structure de psychiatrie, n’est pas anonymisé à la source et risque donc de devenir un outil de contrôle rêvé pour un gouvernement engagé dans un traitement répressif des malades mentaux

Ce combat contre le fichier "Recueil d’Information Médicalisé pour la Psychiatrie" (RIM-Psy) est porté depuis 2006 par l’association Droits et libertés face à l’informatisation de la société Santé mentale en Rhône-Alpes (DELIS-SM-RA).

Cette association a saisi, fin février 2008, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) "sur les atteintes au respect de la vie privée (...) et à l’éthique médicale liées aux pratiques actuelles en matière de recueil informatique des ’données personnelles’ dans les établissements de santé privés et publics ayant une activité en psychiatrie". Selon la réponse que nous publions dans cet article, le CCNE leur a donné entièrement raison.

Cette association cherche à obtenir "l’anonymisation à la source des données personnelles recueillies en psychiatrie", et ce de manière obligatoire depuis le 1er janvier 2007, y compris les diagnostics portés sur les personnes suivies et les modalités légales de leur hospitalisation (libre ou sous contrainte). Ces informations sont transmises au département d’information médicale (DIM) de la structure, "constituant ainsi dans chaque établissement des fichiers de données nominatives sensibles", ensuite agrégées et anonymisées avant d’être communiquées à l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH).

L’association explique que :
 "La finalité officielle de ce recueil est médico-économique". Ce recueil d’information médicalisée en psychiatrie (RIM-P) "représenterait la première étape de la mise en place du compartiment ’activité’ de la valorisation de l’activité en psychiatrie (VAP)".
 Sa généralisation à l’échelle nationale s’intègre dans le champ plus large de la mise en place de la tarification à l’activité (T2A).
 Or les travaux menés par ailleurs pour construire la VAP (qui vise à transposer la T2A en psychiatrie) reposent sur le constat que "le recueil nominatif d’informations médicales en psychiatrie ne pouvait produire à lui seul un système de tarification par pathologie", d’où l’absence de finalité clairement établie de ce fichier.
 Il présente pourtant toute une série de risques liés, en premier lieu, à "des conditions de sécurité et de confidentialité discutables" (accès aux données, mode et durée de conservation, modalités de partage...). Sans oublier le risque technique "non négligeable" de connexions avec d’autres fichiers.
 Quant aux droits d’opposition et à l’oubli, ils sont "soit inexistants, soit inapplicables", l’information des patients en psychiatrie étant minimale et incomplète.
 L’alimentation du futur dossier médical personnel (DMP) par ces données souffre aussi d’une "absence totale de lisibilité".
 Les situations sont à "codifier" dès le premier rendez-vous, ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions sur l’activité des équipes psychiatriques au sens large (médecins, psychologues, infirmiers, cadres, secrétaires).

Un éditeur de logiciel (Intellitec) confirme point pour point les risques de ce nouveau "mouchard social". Dans un document technique de septembre 2006 (reproduit dans cet article), elle indique à propos de l’interopérabilité de ses propres logiciels — CIMAISE (Psychiatrie adultes) et JPSY (Psychiatrie infanto-juvénile) — et le RIM-Psy national :
 Les spécificités de la sectorisation (éclatement géographique des lieux d’accueil et de soins) ainsi que la multiplicité des intervenants impliqués dans la saisie et l’accès à une information de plus en plus riche, encore renforcée par l’arrivée du PMSI psy, puis à présent du RIM-Psy nous ont amenés à choisir la technologie Intranet pour réaliser la nouvelle génération de nos logiciels ; (page 3)
 Depuis 1989, les secteurs de psychiatrie publique sont astreints à fournir des statistiques d’activité (le rapport annuel de secteur de la Direction Générale de la Santé). (...) L’introduction progressive par la Direction des Hôpitaux du PMSI, puis à présent du RIM-Psy va permettre d’affiner cette mesure, afin de réaliser un instrument médico-économique contribuant à l’attribution effective des ressources.
 Les mêmes règles seront appliquées aux établissements publics et privés.
(page 4)
 Tous les items de cette fiche sont paramétrables, afin de faciliter l’adaptation aux futures évolutions du RIM-Psy. Il est également aisément possible d’ajouter de nouveaux items à la FICHE, pour l’adapter aux spécificités locales [sic] ; Toutes les informations sont saisies en clair, à partir de listes paramétrables et de calendriers ; (...) Cet écran, à travers une saisie unique, alimente les rapports d’activité (DGS et activité détaillée), les statistiques de séjour, ainsi que le RIM-Psy. (pages 6 et 7)