10 mars 2009. — Cinq associations (Résistance à l’agression publicitaire, Souriez vous êtes filmés, Big brother awards, Robin des toits et Le Publiphobe) viennent d’assigner la RATP et sa régie publicitaire Métrobus (filiale de Publicis et JCDecaux) devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, pour leur projet d’installation massive d’écrans publicitaires « espions » dans les couloirs du métro parisien. Quatre écrans sont déjà actifs à la station Étoile, et 400 autres sont prévus d’ici à fin juin 2009. Par ailleurs, 800 écrans doivent être installés dans les gares SNCF d’ici à la fin de l’année 2009.
La première audience aura lieu le 1er avril 2009 à 9 heures, devant la chambre des référés du Tribunal de grande instance de Paris, 4 boulevard du Palais, 75001 Paris, métro Cité. Rendez-vous public devant l’entrée du Palais de justice à 8h30.
Des capteurs installés dans les écrans permettent de mesurer le nombre de personnes qui passent, et analysent leurs réactions afin de détecter quel élément de l’image a retenu leur attention. Ces capteurs peuvent aussi donner des informations sur l’âge et le sexe des passants réceptifs à chaque campagne.
La société Majority Report, qui équipe les panneaux avec cette technologie, est elle aussi assignée. Le nom de cette société fait référence au livre et au film Minority Report, dans lesquels le héros se voit interpellé par des écrans publicitaires, capables d’identifier les passants en scannant l’iris de leur œil à distance.
La démonstration du procédé dit « capteur de visage », sur cette vidéo en ligne de la société Quividi (concurrente de Majority Report), parle d’elle-même : http://www.quividi.com/fr/in_action.html
Les 3 sociétés sont poursuivies pour violation de la législation sur la vidéosurveillance, ici utilisée à des fins purement mercantiles. De plus, les associations dénoncent la mise en place probablement illégale de dispositifs d’analyse de données biométriques, installés sans aucune concertation, et à l’insu total des usagers et du personnel de la RATP.
Cerise sur le gâteau : ces écrans sont également équipés de capteurs Bluetooth, capables d’envoyer des messages publicitaires sur les téléphones portables. Métrobus, qui assure que cela dépendra d’une démarche active du passant (qui devra s’approcher du panneau), oublie de préciser qu’elle avait d’abord prévu d’arroser directement les téléphones avec des messages publicitaires, mais que son projet s’était vu retoqué par la CNIL.
Or le Bluetooth, outre son caractère intrusif, est dans le collimateur des experts en santé publique : les dernières études internationales, validées notamment par l’OMS et le Parlement européen, dénoncent les risques sanitaires graves de ces technologies sans fil. Les usagers vont ainsi être soumis à un rayonnement électromagnétique supplémentaire et potentiellement dangereux, notamment pour les personnes électrosensibles (voir pour cela les explications de Robin des toits).
Renversement des rôles
Cinq ans après le retentissant procès « des 62 », au cours duquel la RATP et Métrobus avaient demandé 1 million d’euros de dommages et intérêts à 62 antipublicitaires qui avaient barbouillé des affiches dans le métro, les rôles sont donc aujourd’hui renversés : au tour de la RATP et de Métrobus de se retrouver sur le banc des accusés !
C’en est désormais fini d’une certaine impunité en matière d’agression publicitaire. Ceux qui sont, à l’origine, simplement censés assurer nos déplacements quotidiens, vont devoir rendre des comptes sur leur politique de harcèlement publicitaire, menée à l’encontre des citoyens.
Cette action bénéficie du soutien de personnalités politiques : une question orale a été posée au gouvernement à ce sujet par Martine Billard, députée de Paris, le 18 février dernier ; le conseil de la Mairie du XIè vient d’adopter à l’unanimité un vœu au Maire de Paris demandant la suspension de l’installation des écrans ; le groupe des Verts au conseil de Paris va aussi déposer un vœu dans ce sens, aujourd’hui le 10 mars.
Rappelons enfin que les recettes publicitaires ne représentent qu’environ 1,7 % du budget de la RATP. Une augmentation de 5% du prix du billet suffirait pour faire disparaître toute la publicité du métro parisien, et rendre ainsi celui-ci plus "agréable" à utiliser, comme le reconnaissent Metrobus et la RATP en réponse à nos actions.