Explications : Dominique Perben, garde des sceaux, primé l’an dernier pour son projet de loi Perben II, est plus particulièrement remarqué cette année pour l’article 16 bis de cette même loi « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » du 9 mars 2004.
Cet article (téléguidé par Nicolas Sarkozy auprès de la Commission du Sénat selon Badinter) crée le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). Y seront inscrits, pour une durée de vingt ou trente ans selon les condamnations encourues, les personnes ayant fait l’objet :
"1° D’une condamnation, même non encore définitive, y compris d’une condamnation par défaut ou d’une déclaration de culpabilité assortie d’une dispense ou d’un ajournement de la peine ;
2° D’une décision, même non encore définitive, prononcée en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
3° D’une composition pénale prévue par l’article 41-2 dont l’exécution a été constatée par le procureur de la République ;
4° D’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement fondée sur les dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal ;
5° D’une mise en examen assortie d’un placement sous contrôle judiciaire, lorsque le juge d’instruction a ordonné l’inscription de la décision dans le fichier."
Autrement dit, des majeurs impliqués à tort ou à raison dans une affaire d’agression sexuelle jusqu’aux mineurs de plus de 10 ans faisant l’objet d’une sanction ou d’une mesure éducative.
Les personnes fichées sont tenues de justifier de leur adresse et de déclarer tout changement d’adresse dans les 15 jours. Pour les condamnés à une peine égale ou supérieure à dix ans, ils sont tenus de se présenter tous les six mois aux services de police ou de gendarmerie de leur domicile.
La Commission Consultative des droits de l’homme a rendu un avis très négatif.
Robert Badinter parle de double peine, de stigmatisation inutile et d’entrave à la réinsertion.
Dans leurs deux saisines du Conseil Constitutionnel, les parlementaires PS et PC estiment que ce fichier "porte atteinte au droit des mineurs, et au droit à la vie privée. Qu’il y a "disproportion manifeste entre le régime choisi et les contraintes pesant sur la liberté individuelle. Et que l’inscription des mineurs de plus de 10 ans dans un tel fichier viole le principe fondamental que vous avez consacré dans votre décision du 29 août 2002 et notamment l’idée de mesure éducative propre à faciliter la réinsertion sociale et la construction de sa personnalité. La stigmatisation qui s’ensuivra sera certainement destructrice. Elle pourra durer pendant deux ou trois décennies."
En réponse, le Conseil Constitutionnel a re-précisé que l’inscription n’était automatique que si la peine encourue était de plus de cinq ans. Et que pour les mineurs le seuil passait à dix ans. Sauf.... décision expresse du juge ou du procureur.
Références : Saisine du Conseil Constitutionnel et décision
http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2004/2004492/index.htm
Avis de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme).
"la création d’un nouveau fichier ne garantirait pas une plus grande efficacité dans la recherche et le suivi des auteurs d’infractions sexuelles et dans la lutte contre la récidive alors qu’elle porterait, sans contrepartie déterminante, une atteinte excessive et disproportionnée à la protection de la vie privée et au droit à l’oubli garantis par la loi."
http://www.commission-droits-homme.fr/binTravaux/AffichageAvis.cfm?IDAVIS=707&iClasse=1
"Un singulier fichier : le fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles" - Robert Badinter :
http://www.parti-socialiste.fr/tic/spip_tic/article.php3?id_article=71
Mineurs, la répression avant tout
Fiche-moi le camp
L’ADN au service du contrôle des classes dangereuses