Ce personnage influent participe à l’alimentation d’un discours biaisé sur les causes de "l’insécurité" et promotionne grâce à une société privée (AB Associates) les "moyens" de la combattre en promulguants conseils et recommendations, succombant trop souvent aux sirènes de la vidéosurveillance, aux entreprises ou aux collectivités locales.
Comme l’a écrit Loic Wachquant dans le Monde Diplo : "Adossée à la science et la politique du crime control éprouvées en Amérique, la pensée unique sécuritaire se présente sous la forme d’un enchaînement de mythes savants (...). Une Amérique « supercriminelle » aujourd’hui pacifiée et dépassée par la France : selon ce premier mythe, les Etats-Unis étaient jusqu’à récemment ravagés par des taux astronomiques de criminalité mais ils auraient, grâce à leurs innovations policières et pénales, résolu l’équation du crime, à l’instar de New York. Dans le même temps, les sociétés de la vieille Europe se seraient, par laxisme, laissé happer par la spirale des violences urbaines. C’est ainsi que M. Alain Bauer, PDG de Alain Bauer Associates, firme de conseil en sûreté, accessoirement conseiller de ministres socialistes et grand maître du Grand Orient de France, a pu annoncer avec fracas que, suite au « croisement historique des courbes » entre les deux pays en 2000, « la France est plus criminogène que les Etats-Unis ».
"Propagée par les médias établis, cette révélation démontre qu’en matière d’insécurité on peut dire tout et n’importe quoi et être pris au sérieux dès lors qu’on entonne le refrain répressif et catastrophiste à la mode. En effet, il est établi depuis une bonne décennie, grâce à l’International Crime Victimization Survey (ICVS)(6), que les Etats-Unis ont des taux de criminalité tout à fait ordinaires quand on les mesure à l’incidence de la « victimation » - et non pas à partir des statistiques de la criminalité déclarée auprès des autorités, dont les spécialistes savent qu’elles mesurent mieux l’activité de la police que celle des délinquants. A l’exception, notable et explicable, des homicides, les taux américains sont depuis longtemps comparables et même généralement inférieurs à ceux de moult autres sociétés avancées." (1)
Autre article de Pierre Rimbert en 2001 : "Un autre mode de légitimation scientifique des producteurs d’expertise sécuritaire passe par les universités, où parfois ils enseignent. (...) Xavier Raufer s’intitule « directeur des études du Centre universitaire de recherche sur les menaces criminelles contemporaines de l’université Panthéon-Assas », alors que ce centre est une simple association ébergée par l’université. Xavier Raufer - Christian de Bongain de son vrai nom - est en fait chargé de cours à l’Institut de criminologie de Paris. Ancien fondateur du groupuscule d’extrême droite Occident chrétien, il est aussi responsable d’une collection aux Presses universitaires de France (« Criminalité internationale »). Le « Que sais-je ? » qu’il a publié et corédigé avec *Alain Bauer* bénéficie de la légitimité universitaire de cette collection. Elu en septembre 2000 grand maître du Grand Orient de France, Alain Bauer enseigne dans le DESS d’ingénierie de la sécurité (IHESI - université Paris-V-Sorbonne), et assure une formation continue « Métiers de la ville » à Science-Po Paris. Ce qui lui permet de se présenter comme « enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris et à la Sorbonne ». Il intervient également depuis peu dans les modules sur les violences urbaines du Centre universitaire de recherche sur les menaces criminelles contemporaines de son coauteur Xavier Raufer. (...) Lorsque, dans son livre Violences et insécurité urbaines, Alain Bauer aborde le chapitre « Concrètement, que faire ? », il vante longuement les mérites de « l’analyse locale de sécurité », procédure dont il est par ailleurs prestataire en tant que PDG d’un cabinet de conseil en sûreté urbaine. Imagine-t-on ce que serait la santé si les médecins dirigeaient aussi des laboratoires pharmaceutiques ?" (2)
– En 1993, Alain Bauer a séjourné à San Diego (Californie) sept mois au siège de la SAIC - Science Application International Corporation, considérée comme la "vitrine des services spéciaux américains" dont elle sous-traite l’ensemble des besoins industriels. A l’issue de ce stage, il est devenu vice-président pour l’Europe de la SAIC. En 1994, il a créé sa propre société de conseil et de formation en sécurité, AB Associates, qu’il a domicilié à proximité des locaux de la SAIC-Europe au CNIT-La Défense. Il a alors abandonné ses fonctions de vice-président de la SAIC-Europe pour celles de senior consultant. (...) (3)