Palmarès 2006 des Big Brother Awards France

Paris, le 20 janvier 2007. — Seule personnalité à avoir été nominée 6 fois aux Big Brother Awards France —dont c’est la septième édition—, Nicolas Sarkozy, à qui nous avions décerné 3 prix Orwell ces 3 dernières années a, comme ce fut le cas lors de sa toute première nomination, été exclu de la compétition.

Jacques Lebrot, sous-préfet "sécurité" de Seine-St-Denis, Sony-BMG & son "rootkit", Paul Anselin, maire de Ploërmel dans le Morbihan, Frédéric Péchenard, directeur de la Police Judiciaire et Pascal Clément, garde des Sceaux, ont quant à eux été primés, cette année, pour leurs promotions de la surveillance et leur atteintes à la vie privée et aux libertés.

Les directeurs d’école qui refusent le fichier "Base-élèves" et Pierre Muller, webmaster de Ordinateurs-de-vote.org (ex recul-democratique.org), ont pour leur part reçus des prix Voltaire de la vigilance.

Nicolas Sarkozy, multirécidiviste des atteintes à la vie privée

En
2002, sa toute première nomination l’était déjà pour... l’ensemble de son oeuvre. Signe de la gravité de son cas, il n’en avait pas moins été classé "hors compétition", pour "dopage et exhibitionnisme"à l’unanimité du jury, jury qui, de façon prémonitoire, notait alors qu’"un peu de persévérance lui donne sa chance pour les prochaines éditions".

En 2003, il avait été nominé... deux fois. D’abord pour sa loi sur la sécurité intérieure (LSI), ensuite pour sa loi Perben II, ce qui lui avait d’ailleurs valu le prix Orwell Etat & Elus.

En 2004, il avait encore gagné, toujours avec Dominique Perben, assisté cette fois de l’ancien ministre socialiste Daniel Vaillant, le prix Orwell pour l’ensemble de son oeuvre en raison du FNAEG, fichier génétique initialement conçu pour les délinquants sexuels, et qu’il avait étendu à quasiment tous les mis en examen, qu’ils soient simples suspects, mineurs, et y compris en cas de relaxe ou d’acquittement.

En 2005, il avait, une fois encore, remporté le prix Orwell pour l’ensemble de son oeuvre, à cause de sa loi antiterroriste, parce que l’état d’exception devenait la règle et qu’il étendait considérablement les moyens de surveillance (audio, vidéo, par internet et par recoupement de fichiers, notamment privés).

En 2006, il était nominé en raison de son projet de loi de prévention de la délinquance (PLPD), qui encourage la délation et le fichage des enfants et des familles précaires, mais aussi le fichier ELOI, qui recense les personnes aidant des étrangers sans-papiers.

Cette année, le jury a décidé en délibération de l’exclure à nouveau
pour "racolage actif et passif, exhibitionnisme et outrage à magistrat", pour avoir revendiqué de multiples atteintes à la vie privée, et pour avoir activement promu la surveillance en général, et le fichage en particulier.

Si Nicolas Sarkozy était poursuivi, il serait passible de plusieurs années de prison. En vertu de la loi sur la récidive, adoptée sous l’impulsion de son ami Pascal Clément, le multirécidiviste Sarkozy pourrait se voir proposer le port d’un bracelet électronique. La CNIL étant passé par là, ce bracelet ne serait, fort heureusement, nullement obligatoire. Ah, si seulement Nicolas Sarkozy pouvait être poursuivi [1]...


Les lauréats des Orwell 2006

1. Orwell Etat & élus :
Jacques Lebrot, sous-préfet "sécurité" de Seine-St-Denis
, qui s’est distingué ces dernières années en privant d’emploi plusieurs milliers de salariés sur la foi de fichiers policiers recensant, non pas les délinquants avérés, mais de simples suspects, violant leur présomption d’innocence sur la base de pratiques clairement discriminatoires, l’a emporté d’une courte tête devant son ministre de tutelle, Nicolas Sarkozy, qui avait donc été exclu de la compétition. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, est arrivé en troisième position avec son fichier "base élèves" compilant une foultitude de données personnelles concernant les élèves de la maternelle à la primaire (3 à 10 ans !).

2. Orwell Entreprises : la société Sony-BMG s’est particulièrement illustrée en raison de son "rootkit", petit programme espion qu’elle avait installée dans les CD qu’elle vendait dans le commerce afin de contrôler l’usage qui pourrait en être fait par ceux-là même qui, pourtant, en était devenu les légitimes propriétaires puisqu’ils les avaient acheté. La deuxième place est revenue au duo Sacem & SCPP, sociétés civiles censées défendre les droits des auteurs et producteurs et qui, pour cela, ont fiché nombre d’internautes en violation de la loi. Eternel outsider, le GIP-DMP, en charge du déploiement du Dossier Médical Personnel (ex "Partagé"), est arrivé bon troisième. Gageons que son tour, lui aussi, viendra.

3. Orwell Localités : Paul Anselin, maire de Ploërmel dans le Morbihan, pour sa soif de vidéosurveillance (bientôt plus de 50 caméras pour 9000 habitants) malgré une délinquance zéro, ainsi que pour la création d’un n° vert visant à encourager la délation. Suivent, ex aequo, le Conseil général de Haute-Savoie, qui a installé des systèmes de vidéosurveillance dans 10 des 48 collèges du département, mais omis de les déclarer, et Gérard Gaudron, maire d’Aulnay sous Bois (93), pour sa son contrat local de sécurité et ses dotations en la matière, parmi lesquelles l’acquisition du logiciel CORTO (Carthographie et Observation des Risques sur les Territoires Ouvert) [2].

4. Orwell Novlang : Frédéric Péchenard, directeur de la Police Judiciaire, qui encourage le fichage génétique de l’ensemble de la population au prétexte que les innocents pourront, dès lors, "être lavés de tout soupçon"... Suivent l’Assedic et ANPE, pour le tri informatique des chômeurs de longue durée qu’ils ont entamé, alors même qu’il n’est fiable qu’à 60% et qu’il risque surtout d’enfoncer les plus précaires. 3e et bons derniers, Sophie Planté et Philippe Melchior, du ministère de l’intérieur, qui expliquent que les papiers d’identité électroniques “sécurisés“, biométriques et dotés de puces RFId ne sont pas un outil au service de la police, mais qu’ils serviront d’abord et avant tout à... faciliter le commerce électronique.

5. Orwell Ensemble de son Oeuvre : Pascal Clément, garde des Sceaux, avait déjà été nominé pour avoir imposé rétroactivement le bracelet GPS aux délinquants sexuels après leur libération, au mépris de la Constitution, et primé en 2004 pour s’être précisément fait l’ardent promoteur dudit bracelet électronique, a remporté le prix Orwell pour l’ensemble de son oeuvre en raison de son acharnement à vouloir contrôler et enfermer, et pour son mépris des institutions et des droits de l’homme. Il devance de peu la RATP, pour son désormais célèbre pass Navigo, et la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale accusée de ficher, en toute illégalité, des millions de gens depuis des années : si JUDEX (2,8M de simples "suspects") vient d’être légalisé... 20 ans après sa création, le fichier des personnes nées à l’étranger (7M de fichés) et le FAR, qui sert à évaluer la dangerosité de la population (60M de fichés !) sont toujours illégaux.

NB: A noter que la gueule béante qui nous a inspirée cette année pour créer nos diplômes (ci-dessus) est celle du Sarcosuchus imperator, un reptile préhistorique qui vivait il y a 110 millions d'années ("sarco" signifie chair, "suchus" crocodile, et "emperator" empereur). Les spécialistes qui l'ont découvert au Niger en 2000 avancent qu'il mesurait entre 11 et 14 mètres de long, pesait près de 10 tonnes et qu'il atteignait sa taille adulte à l'âge de 50 ou 60 ans. Ils supposent qu'incapable d'envisager intelligemment l'avenir pour s'adapter, il disparu totalement de la surface terrestre. Toute ressemblance avec un personnage existant aujourd'hui n'est en aucun cas fortuite...

6. Prix Voltaire de la vigilance : on été primés, ex-aequo, les directeurs d’école qui refusent le fichier "Base-élèves" (cf la nomination de ce fichier au prix Etat & Elus], et Pierre Muller, le webmaster de Ordinateurs-de-vote.org (ex recul-democratique.org), pour son constant travail d’éveil et de recensement de tout ce pour quoi le vote électronique est une fausse bonne idée, et une menace pour la démocratie.

Une mention spéciale a par ailleurs été accordée à Christophe Espern, animeateur d’EUCD.info.

Etaient également nominés : un ancien policier qui dénonce la "manipulation" des statistiques de la délinquance, le Comité d’action lycéen du collège-lycée Ravel (Paris) et les insoumis du fichier génétique (FNAEG).

 Retrouvez tous les diplômes décernés aux heureux gagnants - les 5 Orwell et les 2 prix Voltaire.
 Ainsi que quelques photos de la remise des prix du 20 janvier.


Administrativa

NB : Toutes nos excuses à tous ceux qui se sont branchés sur Téléplaisance pour suivre la cérémonie en direct, cela n’a pas fonctionné au dernier moment, alors nous la diffuserons en différé vendredi 26 et dimanche 28 janvier à 20h30.

Vous trouverez sur cette page le récapitulatif des prix Orwell et Voltaire 2006.

Le jury, cette année, était composé de :

 Maurice Rajsfus, co-fondateur de l’Observatoire des Libertés Publiques et du bulletin Que fait la police ?
 Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature
 Kiki Picasso, graphiste, peintre et vidéaste, membre du collectif Un regard moderne
 Yannick Kergoat, représentant de l’association Action-Critique-Médias (Acrimed)
 Maître Eolas, avocat au barreau de Paris, et blogueur à ses heures
 Loic Dachary, pionnier du logiciel libre, fondateur de la Free Software Foundation France et d’eucd.info
 Isabelle Bouyer, Jean-Noël Destrehem, Nathalie Federico et Marlène Jérôme, représentants du collectif anti-délation de la Marne (Prix Voltaire 2005) ;
 Julien Pain, responsable internet de Reporters Sans Frontières (RSF)

L’équipe des BBA

Notre site web, pour plus d’infos, d’images, d’explications et de communiqués : http://bigbrotherawards.eu.org

Le calendrier des cérémonies de notre réseau international : http://www.bigbrotherawards.org

Merci à tous les anonymes qui nous ont proposé leurs candidats, aux bénévoles des organisations affiliées (Samizdat.net, TéléPlaisance, Souriez vous êtes filmés, Les Virtualistes), les danseuses de l’Est parisien (service d’ordre), la Brigade Activiste des Clowns ainsi que l’équipe de Confluences.

A propos de Privacy International
+ PI est une ONG créée à Londres en 1990 pour éveiller l’opinion sur l’érosion de la vie privée et pour lutter contre les nouvelles technologies de surveillance des individus. Depuis, PI a été à l’origine d’une trentaine de conférences, participant en tant qu’ONG a des dizaines de réunions internationales, à des milliers d’interventions ou d’interviews dans les médias, organisant des campagnes de sensibilisation, témoignant auprès d’instances gouvernementales ou parlementaires, comme la Chambre des Lords, le Parlement canadien, l’OCDE, l’UNESCO, le Parlement européen et l’Assemblée du Conseil de l’Europe. Enregistrée au Royaume-Uni en tant qu’association à but non lucratif (Non-profit Limited Company n° 4354366).
 Infos et contacts

A propos des BBA dans le monde
Lancée par Privacy International en octobre 1998 à Londres, cette cérémonie vise à stigmatiser les menaces à la vie privée en montrant du doigt les personnes, institutions et sociétés privées les plus actives dans la promotion ou la conception de technologies de surveillance des individus. En 2002 les BBA ont été organisés dans une quinzaine de pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord (dernier en date en 2004 : la nouvelle Zélande). L’esprit s’inspire du roman "1984" de George Orwell, et a obtenu le soutien moral de Richard Blair, fils du célèbre évrivain, de son vrai nom Eric Blair.
 Site fédérateur

Notes

[1faut-il préciser qu’il s’agit bien évidemment là d’une pointe d’humour ?

[2Erratum du 23/01/2007 : François Baroin, futur ex-ministre de l’intérieur, qui avait été présenté comme ex-aequo à la 2e position du prix Orwell Localités, ne pourra pas revendiquer cet honneur : le 2nd, ex-aequo, est bien Gérard Gaudron