Syndicats de producteurs de musique SNEP et SCPP

Discours ambivalents sur l’échange et la piraterie, campagnes de diabolisation de l’internet

Explications : Affirmant que les échanges de musique sur internet sont l’un des principales raisons de la chute des ventes et des bénéfices de l’industrie du disque, alors que des études sérieuses attestent d’un impact négligeable, le SNEP (Syndicat national des éditeurs phonographiques) a lancé au printemps dernier une campagne publicitaire qui a fait grand bruit. Plusieurs millions d’euros dépensés pour montrer un doigt d’honneur derrière les barreaux, accompagné du slogan « la musique gratuite a un prix ». 300 000 euros et 3 ans d’emprisonnement selon la loi ! » « Nous faisons un doigt d’honneur aux pirates qui téléchargent illégalement de la musique en ligne », a commenté Gilles Bressan, président du SNEP.

Depuis des mois, les maisons de disques veulent réprimer les « pirates », alors même que le téléchargement, assimilé à de la copie privée, n’est pas un acte illégal. La fin justifiant pour eux les moyens, ils exigent tout pour y parvenir sans aucun respect de la vie privée et des libertés des personnes. Ils veulent que les fournisseurs d’accès leur communiquent l’identité des internautes suspects sur simple demande, qu’ils filtrent l’accès à tout site faisant la publicité ou pointant vers du peer to peer, ils veulent pouvoir pister, repérer, identifier, ficher, poursuivre en justice et faire sanctionner lourdement tous ceux qui utilise le peer to peer. Et ils font lourdement pression sur le législateur pour obtenir les modification des lois dont ils ont besoin.

Dès octobre, la SCPP (Société Civile de producteurs de phonogrammes) annonce les premières 50 plaintes au civil et au pénal contre des « gros téléchargeurs ». Et en parallèle, elle commence à faire résilier les abonnements internet de quelques moins gros, qu’elle rêve d’inscrire sur des listes noires de tricards sur internet.

Les propos tenus par Hervé Rosny, président du SNEP, en disent long sur l’état d’esprit de ces nouveaux shérifs du réseau : « Il n’y a plus de vide juridique. Nous pouvons aller devant les tribunaux pour demander à un fournisseur d’accès ou à un hébergeur d’agir pour lutter contre la piraterie lorsqu’elle est constatée. Ils ne pourront plus prétendre à une espèce de neutralité, comme le postier qui ne peut pas ouvrir le courrier. » « Nous voulons que les FAI collaborent dans ce domaine, même si nous savons qu’il est difficile de leur imposer des obligations de résultat dans un premier temps. »

« La répression est un moyen de faire prendre conscience d’un état de fait. Mais nous n’avons pas d’états d’âme par rapport à des gens qui ont 2000 fichiers (illégaux) chez eux et ont un niveau de vie correct ». « La crise a un effet domino : les plus gros paient d’abord puis tout le monde trinque. »

Pascal Nègre, président de la SCPP, n’est pas en reste : « Je ne suis pas entré dans ce business pour taper sur le consommateur. » « Malheureusement, la peur du gendarme, ça marche. Nous n’hésiterons donc pas, désormais, à poursuivre les internautes. Je trouve ça désolant, mais je ne crois pas aux vertus de l’éducation dans cette lutte. » Et enfin : « Si je dois être le Sarkozy de l’Internet, je le deviendrai... C’est mon boulot. »

Bref : cette stratégie de culpabilisation ciblée n’est que le lancinant discours Novlang des industriels du CD. Pour dissimuler leur incapacité économique à s’adapter aux nouveaux enjeux de l’ère numérique, ils diabolisent un média électronique qui est pourtant un instrument d’échange et de partage inégalé pour le rayonnement de la culture.