Xavier Darcos n’est pas tout à fait inconnu de nos services. En 2002 alors qu’il était ministre délégué à l’enseignement scolaire, il était nominé et primé pour la manière dont il exploitait le logiciel de recensement des violences scolaires, Signa. Tablant sur « le sentiment d’insécurité » généré par une soi disant augmentation des violences (due à une comptabilisation de faits anodins comme violences) , il appelait à la mise en œuvre de mesures sécuritaires et de dispositifs de surveillance en milieu scolaire.
Appelé à nouveau à l’Education nationale en mai 2007, il hérite du dossier Base Elèves 1er degré (BE1D). Sa gestion opaque d’un tel "casier scolaire" a été déjà décrite aux BBA de la précédente édition. Devant la résistance qui s’organise, Darcos commence à plier. Mais ce n’est qu’en juin 2008 qu’il finit par concrétiser la suppression d’une partie des données contestées en affirmant bien tardivement, devant le Parlement : « J’ai trouvé que ce document était profondément liberticide. L’origine sociale des familles, la langue des parents, etc. ne nous intéressent pas. Le fait de les indiquer est inutile et n’est pas conforme à la tradition républicaine de l’école de Jules Ferry (...) » (sic).
Finalement, en 4 ans d’utilisation opaque, BE1D n’est "légalisé" que par un arrêté du 20 octobre 2008, qui ne sera nullement sujet à un contrôle a priori de la CNIL, comme Darcos et les inspections académiques n’ont cessé de le faire croire.
En novembre 2008, des enseignants, parents d’élèves, citoyens et syndicalistes créent le premier Collectif national de résistance (CNRBE). Et dans la foulée des directeurs lancent un Appel national, rejoint en mars 2009 par plus de 180 d’entre-eux : " nous ne voulons pas être instrumentalisés par le ministère de l’Éducation nationale afin d’attribuer un identifiant national (INE) à chaque élève sans l’autorisation de leurs parents et sans aucun débat démocratique. Nous refusons de participer à l’établissement d’un répertoire national d’immatriculation des élèves permettant de conserver des données pendant 35 ans.".
En l’état, Base Elèves reste une base de données aux implications considérables :
– y figurent le domicile et les coordonnées actualisées de la famille et des proches ;
– les croisements avec d’autres fichiers peuvent toujours être décrétés.
– Elle constitue un outil particulièrement performant pour les « recherches d’enfants », comme en attestent certaines demandes émanant des inspections académiques.
– Les parents, jamais consultés sur la question, ne peuvent s’y opposer, contrairement aux principes fondamentaux en la matière, rendant leur droit d’accès impossible à exercer ;
– La face cachée de BE1D reste toujours la fameuse BNIE, la base des "identifiants élèves", qui va immatriculer les enfants dès leur entrée en maternelle pour ne plus les lâcher jusqu’à la fin de leurs études universitaires.
Egalement à l’actif de Xavier Darcos :
– Un autre fichier contesté et même contestable légalement : celui des évaluations de CM2 que les professeurs devaient effectuer en catastrophe, fin janvier 2009. Les profs devaient faire parvenir les résultats de leurs classes à l’Académie via un fichier informatique qui n’était pas déclaré dans les règles à la CNIL au moment de son déploiement !
– Le lancement par la délégation à la Communication du ministère de l’Education nationale (ainsi que celle du Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur) en octobre d’un appel d’offres pour un dispositif de veille, visant entre autre à « identifier les thèmes stratégiques, repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte, et analyser leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau et... anticiper les risques de contagion et de crise. »
– Quelques sorties mémorables, comme la distribution de médailles pour le baccalauréat ou l’inutilité d’études Bac +5 pour des enseignants de maternelle dont « la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ».
– La suppression de 6000 postes d’enseignants assurant un soutien scolaire spécialisé aux élèves en grande difficulté (réseau "RASED"), en prétextant que les postes seront "redéployés" pour assurer un soutien scolaire à l’ensemble des élèves (deux heures par semaines, soit 1/2 heure par jour et par classe).
– La suppression de 13.500 postes justifiée par le fait que les effectifs scolaires seraient en baisse. Une baisse que ne corrobore nullement les études de son propre ministère.
– Et enfin, il a autorisé la présence policière dans les écoles et multiplié les intimidations écrites pour faire rentrer dans le rang parents d’élèves et enseignants refusant d’appliquer ses "réformes".