Thierry Oblet, sociologue, Bordeaux II

Pour vouloir imposer la notion de « defensible space », dont il est l’un des spécialistes en France, à la mode « participative »

Thierry Oblet est maître de conférences en sociologie à l’Université de Bordeaux II. Après un premier ouvrage où il parlait de "gouverner la ville", il explore maintenant les voies pour la « défendre », c’est-à-dire défendre l’ordre social capitaliste qui s’impose à travers elle. Il a exposé ses vues dans un ouvrage récent [1]. À l’intention des fainéants qui rechigneraient
à avaler, même à petite dose, ce brouet sécuritaire, voici quelques extraits de sa substantifique moelle.

Selon Thierry Oblet, « l’urbain, hier vecteur de modernisation », serait « 
aujourd’hui en crise », et il faudrait « défendre la ville ». Contre qui ? « 
Les malfaisants ». Certes, il admet qu’une certaine insécurité, « rançon de l’affranchissement » du citadin à l’égard des contraintes sociales du village ou du voisinage, serait « constitutive de l’urbanité », parce que
l’anonymat qui en est le corollaire peut « générer un sentiment de relative
impunité ». De même, « l’abondance qu’on y trouve exacerbe la convoitise ».

Mais, dit-il, le seuil de l’«  insécurité tolérable » serait désormais franchi dans « une ville aujourd’hui éclatée ».
Pourtant, plutôt que de «  s’entêter à répéter des oppositions simplistes et
stériles (répression/prévention, dissuasion/éducation, traitement
social/politique urbaine…)
 », Thierry Oblet préfère peaufiner le « 
concept [sic] d’urbanisme de la sécurité  » pour lui donner un caractère
démocratique. Il pose, en effet, comme principe que rendre la ville
défendable signifie «  aménager des lieux aptes à générer un sentiment de
responsabilité partagée
 » au profit d’« une police des villes considérée
comme l’art de faire converger la conception des lieux, le rôle des agents
 »
— policiers en tête, mais aussi élus locaux, vigiles et gardiens privés,
travailleurs sociaux, enseignants, etc. — « et l’engagement des habitants
 ». Autrement dit, il s’agirait d’« agir avec les gens plus que de construire
pour eux
 ». L’auteur imagine même une «  police civique qui associerait
pleinement les citadins
 ». Pour ce flicologue, en effet, la sécurité
urbaine étant « l’affaire de tous », elle ne devrait « pas être déléguée –
ni assurée par un État policier, ni livrée au marché — », mais devenir une « 
coproduction » fondée sur le partenariat entre police et population.

On retrouve là la notion de "coproduction de la sécurité", argument marketing cher aux vendeurs d’applications de cartographie de l’insécurité et autres outils de recensement des incivilités. Et le maire-shérif placé au coeur de ce dispositif collectif de gestion des populations à problèmes au sein duquel tous les secrets doivent être partagés.

Notes

[1« Défendre la ville. La police, l’urbanisme et les
habitants », PUF, 2008.