« Après votre accord, la navigation internet de votre foyer est analysée (adresses des sites web consultés par tous les utilisateurs du foyer) ». C’est la première phrase d’un document de communication fourni par Orange sur son site [1] pour convaincre ses abonnés de donner leur accord pour participer à une expérimentation baptisée Orange Préférences. Il s’agit de collecter, grâce à des sondes DPI, les sites et les pages visitées dans chaque foyer via la connexion Adsl et la LiveBox Orange, en contrepartie de quoi Orange leur propose de « bénéficier de propositions personnalisées par téléphone ou par mail et adapter les publicités que vous verrez sur le portail orange.fr » et leur offre « 500 points fidélité d’Avantage Internet" » (soit un cinquantième d’une clé USB de 4Go !) [2] .
Dire que la navigation est « analysée » et qu’il ne s’agit que des « adresses des sites web » fait moins peur que dire aux abonnés qu’ils sont suivis à la trace 24h/24H, qu’ils naviguent sous surveillance et qu’ Orange saura sur quels sites ils vont, ce qu’ils lisent, les programmes et les vidéos qu’ils regardent etc. Dans un autre document officiel destiné à l’Europe intitulé « What are the best rules for personal data protection? » [3], Orange est plus explicite et évoque le lancement d’un « produit Préférence », « une offre avec lesquelles les clients sont profilés en échange de récompenses, sur la base d’une approche strictement volontaire ».
Cette sémantique rassurante rend acceptable une intrusion directe dans leur vie privée. Car il s’agit bel et bien de loguer toutes les connexions – de les suivre à la trace - et de les conserver pour faire ce dont rêvent les publicitaires et les marketeurs : du « profilage fin ».
Rappelons que le DPI ce sont des sondes analysant à différents niveaux le trafic internet, qui permettent à ceux qui les utilisent d’en savoir long sur ceux qu’ils surveillent. On peut les comparer à une caméra virtuelle qui suivrait la personne à la trace « dans » internet, ou à un facteur qui ouvrirait les lettres qu’il a la charge de distribuer. Reflets.info, Owni et Le Canard Enchainé ont révélé en 2012/2013 la commercialisation sans scrupules de ces outils par que des sociétés françaises comme Amesys ou Qosmo, à des régimes autoritaires (Tunisie, Lybie, Iran etc) pour identifier et neutraliser leurs opposants politiques.
Dans le cas d’Orange, l’objectif se limite, si on peut dire, à observer leurs abonnés pour leur proposer des services personnalisés, des recommandations de programmes, de voyages, des publicités ciblées en fonction de leurs centres d’intérêts (comme Google) etc... [4] Orange Préférences n’est heureusement pas devenu « un produit », l’expérimentation n’a duré que quelques mois sur un panel d’utilisateurs réduit, et sous contrôle de la CNIL (qui l’a malgré tout accepté). Hormis les articles de Reflets qui lui ont fait une très mauvaise pub, Google ne sort plus grand chose, ce qui laisse penser que le ménage a été fait.
Ca reste néanmoins un service de flicage volontaire (surveillance with consent disent les anglais) qui banalise l’usage, inconciliable avec le respect de la vie privée, du DPI. Orange semble en être conscient, au vu de sa réponse à l’article de Reflets.info de février 2012 [5]: "Si Orange utilise bien du DPI pour Orange Préférences, il réfute aujourd’hui totalement l’existence de sondes qui analyseraient le trafic des abonnés à leur insu." C’est bien noté.....
[1] Offre Orange 3Dconsent
[2] Forum Orange "Que pensez-vous du Panel Orange préférences ?"
[3] Orange European Policy
[4] Orange : le deep packet inspection est maintenant sur OPT-OUT (postal !)
[5] Orange dément l’utilisation du DPI à des fin publicitaires sans l’accord explicite de ses abonnés