Docteur es sciences économiques, chargé de mission au Centre d’analyse stratégique (ex-Commissariat général au plan), coordinateur de Primo France (une association européenne de « gestion du risque en secteur public »), enseignant à Paris I, Nanterre et Reims, Olivier Hassid est un des chantres intellectuels les plus en vue de la dérive totalitaire de nos sociétés vers le tout sécuritaire. Autrement dit, un flicologue de pointe dont le dernier ouvrage publié, "La société vulnérable" (Le Félin) préfacé par son compère Sébastian Roché (nominé aux BBAfr en 2003), pourrait être sous-titré « Surveiller et punir : mode d’emploi »
Par « flicologue », il fait entendre une variété de chercheurs dénommés comme tels pour avoir fait leur la finalité policière de plus en plus fréquemment impartie aux recherches en sciences sociales. Au sein de cette catégorie pour qui le préventif se confond avec le répressif, existe une sous-catégorie qui prend la police et, plus largement, les dispositifs de contrôle social, comme objet d’étude pour œuvrer à leur renforcement et leur perfectionnement. Olivier Hassid fait partie de ceux-là, aux côtés du sociologue Dominique Montjardet, des politologues Fabien Jobard et Sébastian Roché.
Fort de son statut d’expert ès insécurité, le flicologue est chargé de donner un vernis scientifique à l’élaboration et à la diffusion du nouveau sens commun punitif. La première phrase de l’opus mentionné plus haut donne le ton de l’ensemble : « Les menaces sont aujourd’hui multiformes et le grand projet de construction européenne ne semble pas apporter de protection aux ressortissants de l’Union européenne. »
Comme tous les spécialistes de son acabit, ce flicologue joue aussi le rôle de conseiller auprès du Prince, aux niveaux national, local ou international, notamment lorsqu’il est confronté à des formes inédites de rébellion populaire. Les « rapports officiels » qu’il pond à la commande sont des écrits pré-pensés par le complexe judiciaro-policier grâce auxquels les gouvernants peuvent habiller d’une simili-science des décisions prises en fonction de considérations politiques et souvent politiciennes (électoralistes).
Comme pour celles de ses semblables, les « enquêtes de terrain » d’Olivier Hassid semblent résulter, la plupart du temps, en entretiens avec des autorités (élus, responsables des services de prévention, commissaires, et inspecteurs de police, magistrats, avocats...) préposées au contrôle des habitants des « quartiers difficiles », et en visites guidées par des policiers ou des supplétifs de l’encadrement (éducateurs, moniteurs, formateurs, animateurs et autres « médiateurs » . La production « scientifique » d’Olivier Hassid porte l’empreinte livresque et pédante du statut et de la position de son auteur, plus apte, apparemment, à fréquenter les salles de cours ou de séminaires et les cabinets des ministres ou des maires, pour ne rien dire des commissariats de police ou des cantonnements de CRS, qu’à arpenter sans escorte les espaces « insécurisés » qu’il est censé étudier.
Comme les plus inféodés aux pouvoirs en place, ce chercheur a eu droit à des « missions » à l’étranger pour rendre compte en France des expériences innovantes de « lutte contre l’insécurité ». Ainsi a t-il effectué le pèlerinage aux Etats-Unis — les maire de New York et procureur Rudolph Giuliani est l’un des maïtres à penser d’Olivier Hassid —, terre pionnière en matière de contrôle des populations « à risques » ou en Grande-Bretagne, pays où la population vit sous la « protection » des caméras de vidéo-survillance. Avec ardeur et dévouement, ce missionnaire transatlantiques et trans-Manche du sécuritarisme en a ainsi rapporté des théorisations (« tolérance O », « théorie du carreau cassé », « community policing », « defensible space » …) concoctées dans les think tanks néo-conservateurs ou néo-travaillistes, destinées à légitimer les méthodes tantôt musclées tantôt raffinées mises en œuvre pour traquer le terroriste qui sommeille en chaque musulman ou apprendre la civilité à la jeunesse issue des milieux populaires promise ou déjà soumise à la discipline du salariat précaire et sous-payé.
Sous couvert de faire face à ces « menaces multiformes » où l’on retrouve pêle-mêle les intégristes islamistes, les mafieux venus du froid et les incendiaires de poubelles de nos cités, c’est « l’horreur sécuritaire », pour reprendre le titre d’un autre ouvrage récent (J-M Fédida, éd. Privé, 2006) qui se profile à l’horizon de la société ultra-sécurisée prônée par Olivier Hassid.
Dans le "Livre Blanc de la sécurité", publié en juin 2006 par l’Union des entreprises de Sécurité Privée - USP, la principale organisation professionnelle représentative du secteur en France, il a écrit un texte de "Prospective" prônant "l’institutionnalisation du secteur privé" de la sécurité. Extraits :
La société française sera confrontée à une déconnexion toujours plus forte entre sentiment d’insécurité et faits réels d’insécurité. Pour rassurer les individus, un maillage plus étroit sera recherché entre acteurs publics et privés confrontés à ces problèmes.
Ces maillages serviront notamment à l’élaboration et à la réalisation d’infrastructures de sécurité intégrées. Ces innovations généreront un coût substantiel pour l’ensemble des institutions et nécessiteront de plus grandes synergies entre opérateurs de "mondes" différents (défense, sécurité, sécurité civile, télécommunications). De nouveaux types de fusions et acquisitions devraient donc voir le jour entre des domaines encore faiblement interconnectés.
Parallèlement, les forces de l’ordre devront plus cibler leurs actions et, notamment, allouer leurs ressources sur des "zones reconnues par tous comme à risque" : certains quartiers d’habitat social, zones de prostitution et de deal... La police devra alors de plus en plus faire état de sa force sur des espaces concentrés, ce qui accroîtra l’efficacité et l’efficience de son travail et entraînera un nombre croissant de bavures.
Les gouvernements n’auront d’autre choix, pour contrebalancer les dégâts "collatéraux" provoqués par leur police, que de jouer sur la symbolique par des sanctions exemplaires et le renforcement des moyens du Centre national de déontologie de la sécurité (CNDS).
(...) Dans ce contexte, il serait rationnel que les gouvernements successifs baissent les effectifs de police, à moins que l’opinion publique ne les pousse à les maintenir à des niveaux élevés.
Parallèlement, les effectifs de sécurité privée continueront d’augmenter pour répondre à une demande de sécurité forte et pour compenser la décrue du nombre de policiers. La qualification du privé croîtra substantiellement. Les besoins de techniciens, d’ingénieurs, de spécialistes des nouvelles technologies se faisant ressentir, le secteur privé connaîtra, par conséquent, une institutionnalisation de plus en plus forte.