Ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy

Pour ses discours et méthodes qui en font le meilleur interprète Novlang du gouvernement

Le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP cultive sans cesse un sens aigü du discours biaisé et trompeur en vue d’assoir son pouvoir et ses ambitions. Un pouvoir de contrôle sur les "masses", un pouvoir de maintenir les citoyens lambdas dans la certitude que l’Etat qu’il représente est là pour les protéger des multiples "insécurités" qui les menacent. Pour Sarkozy, l’insécurité est forcément celle des "bandes", des "caïds", de la "racaille des cités", mais surtout pas l’insécurité sociale et économique, surtout pas des criminels de la finance et des grands groupes industriels, surtout pas celle issue des inégalités croissantes créées par la globalisation économique.

Il manie avec tact cette "novlang" contemporaine qui vise à maintenir le citoyen dans une dépendance et une soumission aux structures de l’état et des entreprises, afin de faire encore mieux accepter aux individus la présence des contrôles en tous genres et de l’inaction de toute rébellion. Pour Sarkozy, l’individu est un bon citoyen lorsqu’il se soumet au fait d’être surveillé, étiquetté, fiché, selon l’adage orwellien : "Je n’ai rien à me reprocher alors pourquoi refuserai-je d’être contrôlé ?" Quoi de plus efficace pour dissoudre la notion si précieuse de présomption d’innoncence que de pousser incidieusement les "sujets" d’un régime à en être eux-même convaincu ?

Pour illustrer cette mascarade, le ministre s’est notamment "expliqué" lors de l’émission "Pièces à Conviction" courant 2005, où il présentait les grandes lignes de son projet de loi contre le terrorisme. A la question d’Elise Lucet :

"Vous parliez des libertés individuelles. Les Français qui nous regardent, j’imagine, souhaitent aussi être rassurés là-dessus. Ils souhaitent qu’on lutte contre le terrorisme et que leurs libertés individuelles soient préservées. Qu’est-ce que vous leur dites ?"

Nicolas SARKOZY a répondu : "Ecoutez, la première des libertés c’est de pouvoir prendre le métro et le bus sans craindre pour sa vie, pour soi ou pour les membres de sa famille. Cela me paraît quand même plus important que tout le reste." (...)

Lors des trois semaines d’embrasements sociaux qui ont agité certaines villes ou banlieus françaises et octobre/novembre, Nicolas Sarkozy s’est aussi distingué en cracheur de feu. A l’issu de la journée "déclic" où trois jeunes ont été coursés à Clichy-sous-Bois, course lors de laquelle deux d’entre eux devaient trouver la mort dans un central électrique, il a immédiatement affirmé que ces jeunes n’étaient en rien victime de harcellement policier mais de leur imprudence. Cela sans attendre la moindre enquête contradictoire. Plus tard le seul survivant de ce drame racontera au contraire qu’ils ont bien été comme d’autres jeunes pris en chasse par des policiers qui tentaient d’appréhender les suspects d’un cambriolage ; c’est bien le harcellement des contrôles d’identité qui les a poussé à fuir et non à rester confiant dans leur innocence.

Au bout de quelques jours "d’émeutes", terme bien commode colporté par une presse complaisante, Nicolas Sarkozy ira déclarer de manière aussi péremptoire que ces événements étaient forcément le fait de "groupes structurés", de "meneurs", et que cela ne pouvait résulter d’actions spontannées ayant comme déclic un malaise social croissant. Déclaration contredite plus tard par ses propres services, les Renseignements généraux. Dans la foulée le ministre s’est aussi exclamé en disant que la très grande majorité des prévenus étaient déjà "connu des services de police", traduire "des récidivistes". Encore une fois, déclaration mouchée par les magistrats, dont ceux du tribunal de Bobigny, le plus concerné de France suite aux interpellations de Seine-St-Denis.

Selon l’adage médiéval, « Calomniez audacieusement, il en restera toujours quelque chose... »

P.-S.

 "Pièces à convictions", France 3, diffusée le 26/09/2005, enregistrée le 21.
 Lire aussi le communiqué du SNJ-CGT, « Magazine « Pièces à Conviction » , invité Sarkozy : Les déviances de l’info-com ». Cf l’annonce (enregistrés) d’une intervention de la police, intervenue 5 jours après, le jour de la diffusion de l’interview sur F3. (Source : Acrimed).
 Nouvel Obs, 28/11/2005 : "Emeutiers "récidivistes" : Sarkozy persiste. Le ministre réaffirme que "70 à 80%" des personnes interpellées ont des "antécédents judiciaires". Les professionnels de la justice démentent."
 Lire aussi, dans Politis (11/01/2006), l’interview de Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme : « "Je veux tout voir et tout savoir", s’est exclamé Sarkozy (à propos de la vidéosurveillance). C’est le signe d’une volonté de toute puissance qu’expriment les jeunes enfants avant qu’ils soient éduqués et socialisés. Une telle exigence est inquiètante de la part d’un adulte au pouvoir. (...) Vouloir tout contrôler est une course folle : on n’atteindra jamais les objectifs sécuritaires et on y laissera toute espèce de liberté individuelle. »