Un arrêté en date du 16 octobre 2008 ouvre une brèche dans la confidentialité des données nominatives de santé. Le gouvernement, s’il a décidé de taxer les complémentaires santé avec pour objectif de récolter un milliard d’euros, ne l’a pas fait sans contreparties.
Même le syndicat des cadres CFE-CGC s’en est offusqué : « Cet arrêté permet à la Mutualité, la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) [1] et au Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), d’avoir accès à, certaines données de santé rendues anonymes provenant du Système d’information inter-régimes de l’Assurance-maladie (SNIIRAM), par l’intermédiaire de l’Institut des données de santé (IDS). Le SNIIRAM répertorie depuis deux ans les données de remboursement des soins de ville dispensés par l’hôpital. Pour l’instant, les données au sein de l’IDS sont prétendues anonymes, mais accorder ce pouvoir aux assureurs, c’est leur donner potentiellement les outils de sélection du risque maladie. (...) Si aujourd’hui, les profils sont constitués de données relatives aux remboursements, et aux dates des actes, qui nous garantit que demain chacun d’entre nous ne sera pas profilé, positionné dans une catégorie « à risque » dont il faudra déduire une moindre prise en charge pour les assureurs ? Cela pourrait se traduire par une sélection de clientèle et une augmentation des cotisations santé en fonction des risques. » [2].
Extrait du Canard Enchaîné du 15 octobre 2008 :
[D]onner aux mutuelles, et surtout aux assureurs privés le droit de « gérer le risque », au moyen des données individuelles de santé, c’est leur donner la possibilité de sélectionner leur clientèle, de contrôler les prescriptions des médecins, de surtaxer les patients coûteux, d’exclure ceux qui consomment trop de médicaments, qui font trop d’examens, qui sont trop malades… Et cela ressemble grandement au système de santé américain qui nous fait tous rêver : 47 millions d’américains sans couverture santé, des primes d’assurances privées tellement élevées que les inégalités dans l’accès aux soins sont devenues effrayantes.
(...) Aujourd’hui, la couverture complémentaire est devenue essentielle pour accéder aux soins. Si celle-ci est entre les mains d’assureurs privés, ayant accès aux données de santé pour, comme ils disent « faire leur métier », on pourra parler d’un système privatisé. (...). » [3]
Et enfin dans une lettre commune envoyée à Roselyne Bachelot en novembre 2008, le syndicat MG France et le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) demandent « le contrôle effectif de tous les transferts de données issues du remboursement par l’Institut des données de santé. Notre interpellation se veut solennelle, notamment après le trouble que constitue l’accord passé cet été entre les mutuelles et l’Etat à propos du transfert des données du remboursement depuis l’Assurance maladie vers les sociétés mutualistes en dehors de l’Institut des données de santé. Nous regrettons que l’exigence de protection des données de santé personnelles informatisées, y compris celles issues du remboursement, soit aussi mal engagée dans un pays qui avait jusqu’à présent toujours choisi de conduire d’une même main le double intérêt des exigences de santé publique et de respect des libertés individuelles. » [4]