La Cour de Cassation

Pour avoir, dans un arrêt, validé les écoutes téléphoniques opérées sur des avocats

Explications : La Cour de cassation, gardienne des libertés, pour sa décision remettant en cause le secret professionnel liant les avocats et leurs clients. L’arrêt rendu en octobre dans l’affaire Buffalo Grill légalise en effet l’écoute téléphonique d’un avocat à travers son client, au motif que les propos tenus seraient "de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction". Le procureur général n’a alors pas à être informé, le client est privé du secret professionnel garanti par la loi et le CP et on laisse à la police le soin de juger des propos devant être retenus et versés au dossier.

Cette décision vient confirmer une autre décision de 97 qui acceptait déjà de déroger au secret professionnel "s’il existe contre l’avocat des indices de participation à une infraction".

P.-S.

Références : L’arrêt Buffalo Grill : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnDocumentbase=CASS&nod=CXRXAX2003X10X06X00829X009

Articles de presse :

Le Canard Enchainé - article dispo sur http://www.bugbrother.com/breve28.html

Politis - Avocats sur le grill

"Le 1er octobre la Cour de cassation rendait son arrêt dans l’affaire Buffalo Grill. Elle annulait les poursuites pour "homicides involontaires" mais validait certaines écoutes téléphoniques entre l’un des mis en examen et son avocat. Décision motivée par le fait que ces conversations ne concernent pas "l’exercice des droits de la défense" mais sont "de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction". On peut écouter si on a les preuves, mais pour avoir les preuves il faut les entendre. Alors écoutons pour entendre. Un syllogisme ambigu qui légitime le principe des écoutes "déguisées" des avocats.

Les justiciables sont protégés par le secret professionel auquel sont tenus avocats et magistrats en vertu de la loi de 1971 art 66.5. Les articles 100 et suivants du Code de procédure pénale autorisent ces derniers à diligenter des écoutes sur prévenus ou mis en examen, dans la limite des droits de la défense. La pratique est fréquente. Dans le cas d’un mis en examen l’écoute intercepte inévitablement des conversations avec l’avocat, qui ne peuvent être versées au dossier, puisqu’ayant trait à la défense. Si maintenant un juge d’instruction soupçonne un avocat d’infraction dans une affaire, il peut le faire placer lui sur écoutes, en informant le batonnier, qui peut le cas échéant éventer la chose. Reste alors pour établir sa culpabilité, les petits arrangements avec la loi : écouter indirectement l’avocat via son client, et récupérer ainsi des "preuves" qui pourtant concernent un autre délit que celui qui motive l’écoute. Une pratique que la cour de cassation a validé dans un arrêt de 1997 qui acceptait de déroger au secret professionnel "s’il existe contre l’avocat des indices de participation à une infraction". L’arrêt Buffalo grill vient confirmer ce que le Syndicat de la Magistrature qualifie de double atteinte : au principe général de loyauté de l’instruction - le droit à un procès équitable garanti par la Convention européenne- et au secret professionnel.

Une façon peu acceptable de contrôler les avocats en niant le secret professionnel qu’on prétend protéger, ajoute Bruno Marcusse ancien président du SAF (Syndicat des avocats de France). Et une tendance générale présente dans le projet de directive européenne contre le blanchiement d’argent, qui délie les avocats de l’obligation de secret et les incite à faire des "déclarations de soupçon". D’absolu, le secret professionnel est désormais sujet à exception.