Les associations Résistance à l’Agression Publicitaire, Souriez vous êtes filmés, Le Publiphobe et Privacy France ne peuvent qu’exprimer leur déception à la lecture de l’avis de la CNIL intitulé, non sans humour, "Dispositifs d’analyse du comportement des consommateurs : souriez, vous êtes comptés !". En effet, la CNIL ne répond que très partiellement aux questions que le collectif d’associations avait soulevé au premier trimestre 2009, en assignant la RATP et METROBUS en justice [1].
La CNIL, après avoir longtemps hésité à se déclarer compétente sur le sujet, affirme clairement que la loi Informatique et Liberté s’applique à ces dispositifs. Notons que nous ne saurons toujours pas si la loi sur la vidéosurveillance s’applique également [2].
La loi Informatique et Liberté implique l’anonymisation des données recueillies. La CNIL s’est donc contentée des observations faites qui lui garantisse cette anonymisation "à bref délai". Les contrôles de la CNIL sur ce point devront se faire régulièrement car les technologies employées permettent parfaitement d’identifier les passants.
En argumentant sur le refus de l’exercice du droit d’accès aux données, la CNIL détourne sciemment un article de la loi [3].
. Il est en effet précisé à l’article 6 qu’ « un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données, [...] s’il n’est pas utilisé pour prendre des décisions à l’égard des personnes concernées ». La loi envisage donc clairement les statistiques sous l’angle de l’intérêt collectif telles que celles de l’INSEE ou des universitaires. Ce qui n’est en rien le cas des dispositifs en question. Enfin, ces statistiques visent bien à prendre des décisions à l’égard des personnes concernées puisqu’elles ont pour but d’optimiser les campagnes publicitaires, voire, à terme, de les modifier en temps réel en fonction de la reconnaissance de certains critères des passants (age, sexe, tenue vestimentaire).
De plus l’information du public se devra d’être "affichée dans les lieux où sont mis en place ces dispositifs afin de garantir une réelle transparence vis-à-vis du public. Cette information doit, notamment, préciser la finalité du dispositif et l’identité de son responsable." Gageons que la RATP devra assumer clairement l’utilisation à des fins publicitaires de ses murs et que la CNIL la rappellera à l’ordre ou la sanctionnera le cas échéant, comme elle en a le pouvoir.
Mais la CNIL fait une véritable impasse sur deux sujets majeurs : la légitimité même des écrans espions et le consentement des personnes concernées.
En effet, l’article 6 de la loi prévoit qu’un "traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui (...) sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes"
La finalité commerciale et publicitaire est ici incontestable. Cette finalité est bien loin du service public des transports en commun. Rappelons que ces écrans doivent d’être installés dans les couloirs du métro parisien. Déjà quelques écrans sont opérationnels, notamment à la station de métro Villiers et ce sont bien 1200 écrans qui doivent être implantés dans le réseau RATP, puis SNCF.
L’article 7 précise quant à lui les conditions permettant d’être exempté du recueil du consentement des personnes concernées. On constate, là encore, que le dispositif de mesure d’audience ne répond à aucun des 5 points présentés. La CNIL reconnait elle-même que le « traitement (...) est réalisé à partir d’informations permettant d’identifier des personnes », elle n’a donc aucune légitimité à décréter que le droit d’opposition ne s’applique pas.
Enfin, nous constatons que la CNIL a préféré dialoguer avec METROBUS et s’assurer de la bonne application de cette nouvelle doctrine a minima avant de la rendre publique. Malgré nos nombreuses relances, cet avis rendu fin février a mis deux mois à être communiqué sans qu’à aucun moment la CNIL ne souhaite nous consulter. Pour la CNIL les intérêts économiques semblent passer avant les droits des usagers des transports publics.
Nous demandons donc instamment à la CNIL de compléter son avis et, notamment, de s’exprimer très clairement sur la question de la légitimité de ces dispositifs de mesure d’audience.
Nous interpellons également les élus du Conseil Régional pour qu’ils décident si ces écrans espions ont leur place dans le réseau des transports en commun francilien.