Explications : Voilà une histoire qui nourrira la réflexion sur l’utilisation de la vidéosurveillance.
Le 25 février, en pleine campagne électorale des régionales, Francis Pourbagher, le directeur de cabinet de Manuel Aeschlimann, député-maire (UMP) d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), pénètre dans la salle de vidéosurveillance de la police municipale, qui abrite une trentaine de caméras. Il demande à visionner deux endroits de la ville, dont la place des Bourguignons, où se trouvent un arrêt de bus et une cabine téléphonique. « Il voulait prendre sur le fait les militants en train de placarder des tracts ou des photocopies d’articles de presse défavorables au maire, accuse un opposant à la majorité. Voilà comment on fait de la politique à Asnières, et voilà comment on détourne les moyens publics à des fins partisanes. »
Francis Pourbagher a pleinement assumé son geste : « Des documents injurieux pour le maire sont placardés ici et là. Et il m’est arrivé de faire appel à la police pour établir un constat utile à des actions en justice. »
Dommage : le fonctionnaire municipal n’était pas du tout autorisé à visionner ces scènes, car il ne dispose pas de la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ).
Le brigadier-chef en charge de la salle de vidéosurveillance a fait son rapport. Le 25 février, le policier découvre la présence du directeur de cabinet : « Je l’informe qu’il n’est pas normal qu’il [F. Pourbagher] se permette (...) de pénétrer dans la salle de vidéosurveillance sans informer qui que ce soit. Qui plus est, en présence d’une personne étrangère au service et n’ayant absolument aucun droit de visionnage. Immédiatement M. Pourbagher me répond en ces termes : "C’est moi le patron ici !" (...) "[Je suis] le représentant de monsieur le député-maire. [J’ai] carte blanche en ce qui concerne les services municipaux". Or une note de service signée du maire-adjoint à la sécurité stipule que le directeur de cabinet ne peut pas donner d’ordre à la police municipale.
Autre "dysfonctionnement", relate le quotidien Libération : "Le rapport du brigadier en charge de la vidéosurveillance n’est jamais parvenu au commissaire de la police nationale, à qui il était destiné. A l’évidence, le passage par la mairie d’Asnières a bloqué la progression de ce document « sensible », selon l’expression d’un haut responsable policier des Hauts-de-Seine. Le maire-adjoint à la sécurité d’Asnières, Maurice Dauphin, à qui était aussi adressé ce rapport, n’a pas répondu à nos questions. C’est lui qui devait assurer la transmission du rapport à la police nationale."
(...) Dans un autre rapport du 2 mars, quatre agents racontent comment Pourbahgher a perturbé le déroulement d’une intervention lors d’une infraction routière. Alors que les policiers verbalisaient le contrevenant, le fonctionnaire lance : « Je suis le directeur de cabinet du maire. Que vous arrive-t-il ? Avez-vous des problèmes ? Qu’est-ce qu’ils vous veulent ? » A un policier : "Je n’ai aucun ordre à recevoir de vous. Je suis le directeur de cabinet. Vous n’avez pas à me demander de m’écarter. J’ai le droit de parler à ce monsieur. »