Endemol

Pour ses menaces de censure d’un site internet indépendant sur la téléréalité, sous le faux prétexte de "concurrence déloyale"

Explications : Le site parodique www.bofacademy.com, consacré à la téléréalité, a été menacé par la société de production Endemol, qui lui a demandé de supprimer toute référence aux mots "star academy", et d’abandonner le nom de domaine bofacademy.

Le 22 novembre dernier, Endemol abandonnait les poursuites. La page d’accueil du site bofacademy.com affiche désormais le communiqué suivant : « Nous recevons le 22 novembre un courrier du cabinet d’avocats de la société Endemol. Celui-ci nous indique que l’action judiciaire diligentée à notre encontre est suspendue à la demande d’Endemol. Nous sommes persuadés que votre soutien y a été pour beaucoup. »

Deux articles - parus dans Le Monde et Libération - ont sûrement contribué à calmer les censeurs d’Endemol.

Le Monde du 11/11/2004 :

« Depuis quatre ans, Sébastien et Didier, les deux webmestres du site, suivent en continu la vie du microcosme de la téléréalité. (...) Fin octobre, Endemol, dirigée par le binôme Arthur et Stéphane Courbit, et la société Niouprod se lancent à l’assaut juridique de Bofacademy. Elles font appel à un huissier de justice qui constate que le site contient les mots "Star" et "Academy", qu’il s’agit d’un site marchand, et qu’il a trait à la téléréalité. A la veille du week-end de la Toussaint, Sébastien et Didier reçoivent une mise en demeure d’un cabinet d’avocats parisien, Ketchedjian et Bayle. Selon le document, l’existence de ce site parodique "constitue une concurrence déloyale manifeste qui a pour objet de ’pirater’ et d’exploiter à l’insu (des) clientes (Endemol et Niouprod) la notoriété de leur émission...". "Cela est constitutif de parasitisme commercial", poursuit le cabinet. Enfin, le nom Bofacademy "comporte un caractère dénigrant (...) qui accentue encore le préjudice subi", conclut-il. Pour les deux webmestres, le coup est rude, mais le pire est dans la seconde partie du courrier. Ils doivent s’engager à abandonner leur nom de domaine www.bofacademy.com et tout autre nom incluant les termes "star" ou "academy", ainsi que l’utilisation de ces mêmes mots sur leur site. Par ailleurs, il leur faut "à titre provisionnel" verser à Endemol et Niouprod une somme de 30 000 euros, "au titre du dédommagement pour le lourd préjudice d’ores et déjà subi". Faute de quoi, ils se retrouveront devant les tribunaux.

"Mais de quoi parlent-ils ?", se désespère Didier. "Un site marchand ? Nos bandeaux de pub ne nous rapportent même pas de quoi payer notre hébergeur... La vente de T-shirts ? Nous en avons vendu douze en quatre années d’existence." La vente moyenne de trois T-shirts par an constitue-t-elle une activité marchande sérieuse ? "C’est ici que la rédaction de cette mise en demeure est très habile", estime Me Cyril Rojinsky, avocat au barreau de Paris. Endemol et Niouprod s’attachent à définir Bofacademy comme étant un site marchand, car c’est sur ce point qu’ils ont les meilleures chances d’obtenir raison devant les tribunaux. "La définition du commerce électronique est très large en droit français. Elle intègre un peu tout et n’importe quoi : le simple fait de fournir de l’information en ligne peut entrer dans la définition du commerce électronique", poursuit Me Rojinsky. (...) "Nous maintenons notre site, indique Didier. Nous avons remplacé les mots ’star’ et ’academy’ par ’étoile’ et ’école’. Nous avons également supprimé les captures d’écran. Mais nous n’avons ni avocat ni argent. Nous ne pouvons rien faire de plus."

Sollicités à de nombreuses reprises sur les suites qu’ils souhaitent donner à cette affaire, les dirigeants d’Endemol n’ont pas souhaité répondre. "Alexia Laroche Joubert, directrice des programmes, doit faire le point avec ses avocats", a indiqué une attachée de presse de la société de production. (...) En cas de fermeture de Bofacademy.com, combien des 20 000 visiteurs par jour du site iront s’abonner sur le site officiel de "Star Academy" pour 8,90 euros par mois ? Par ailleurs, un procès visant à museler le droit à la parodie ne risquerait-il pas de ruiner l’image de la société de production ?" »