Explications :
Dominique Perben, garde des Sceaux, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, sont nominés pour le projet de loi sur la "criminalité organisée", dit Perben II, qui porte gravement atteinte à l’indépendance de la justice et introduit de nombreuses mesures remettant en cause les libertés et les droits fondamentaux.
En effet, cette loi :
– introduit un bouleversement total de la justice pénale, en mettant fin à la séparation des pouvoirs ;
– introduit le "plaider coupable" qui transforme les magistrats du parquet en auxiliaires de police, pouvant se limiter à valider les peines décidées par le parquet à la demande de la police ;
– le "plaider coupable" nie aussi la présomption d’innocence, le droit à se défendre et celui de bénéficier d’un procès équitable ;
– porte atteinte à l’impartialité des juges en introduisant des primes de rendement ;
– transforme toute "entente préalable pour commettre une infraction" en acte de "criminalité organisée" ;
– vise non pas les réseaux criminels organisés, mais la petite délinquance et certaines populations - "jeunes des cités", "immigrés", "gens du voyage"...
– érode le droit de la défense en modifie en profondeur les conditions d’interception des correspondances ;
– enfreint le droit à la vie privée en autorisant les policiers à poser des dispositifs d’écoute (caméras ou micros) dans les véhicules et les domiciles privés à l’insu de leur propriétaire et sans avoir à en justifier le motif ;
– élargit la notion de "bande organisée" au délit d’aide au séjour des étrangers en situation irrégulière, sans prévoir aucune garantie pour protéger les militants associatifs, lesquels risquent donc de voir leur domicile et leur véhicule placés sur écoute ;
– remet en cause certaines dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme le délai de prescription (porté de 3 mois à 1 an) et la protection des sources ;
– va provoquer une "inflation carcérale" alors que les prisons sont déjà bondées. Une politique en totale contradiction avec les recommandations les plus récentes du Conseil de l’Europe...
Enfin, cette loi, qui bénéficie du soutien du ministre de l’Intérieur, partisan d’une justice asservie à la police, remet en cause l’indépendance des pouvoirs judiciaire et exécutif, l’un des fondements de la démocratie. Comme le note Evelyne Sire-Marin, ex-présidente du Syndicat de la magistrature : "Le ministre de la Justice n’est d’ailleurs pas en désaccord avec Nicolas Sarkozy puisqu’il estimait, dans le préambule du projet de loi sur la criminalité organisée, que le rôle de la justice est d’apporter une plus-value à l’action policière, et nullement de contrôler la police ! Les deux ministres se complètent fort bien dans leur rôle de fossoyeurs de l’indépendance judiciaire, car tous deux sont de fervents partisans d’une organisation très hiérarchisée du parquet et des instructions individuelles données à ces magistrats par le Garde des Sceaux. Ainsi, Nicolas Sarkozy déclarait-il : « Quand j’étais ministre du Budget, j’avais le devoir de donner des ordres à mes fonctionnaires. » Sauf que les magistrats du parquet ne sont pas des fonctionnaires, et qu’aucun magistrat ne devrait normalement dépendre de l’exécutif."