Explications : A la demande du Conseil JAI (Justice et Affaires Intérieures), la Commission européenne a publié le 18 février 2004 une proposition de réglementation sur les standards et les éléments de sécurité et de biométrie dans les passeports des citoyens européens. Il est alors question d’intégrer un seul élément biométrique - une image faciale numérique -, le second étant optionnel et laissé au choix des Etats. Mais le texte parle dans un second temps de la création « d’un "Registre des Passeports européens" biométriques centralisé qui contiendrait les empreintes digitales des demandeurs de passeports ainsi que le numéro des documents et quelques autres informations limitées mais significatives ».
Les arguments légitimant ces passeports sont :
– qu’il faut sécuriser les passeports (qui, aux dires du Groupe 29 du parlement, le sont pourtant déjà)
– qu’ils ne doivent pas être moins sécurisés que les visas et les permis de résidence (sur lesquels deux identifiants biométriques sont désormais obligatoires), faute de quoi des « personnes malintentionnées pourraient de s’en procurer » ;
– que l’harmonisation des mesures de sécurité et de biométrie aura un gros impact sur nos relations avec des pays tiers, comme les Etats-Unis. Et là réside la principale raison de ces décisions, puisque que ce sont les Etats-Unis qui, suite aux attentats du 11 septembre 2001, exigent que tous les voyageurs non munis de visas entrant sur leur territoire aient des passeports biométriques.
Certaines délégations veulent un second identifiant biométrique. Selon Statewatch, l’Italie, l’Allemagne, la France et la Grèce ont proposé, lors d’une réunion du Mixed Committee en octobre, un second identifiant obligatoire et la mise en oeuvre d’un Registre centralisé. Ils ont été soutenus par la Lithuanie, Malte, la Pologne, la Slovénie et l’Espagne. Une proposition entérinée par le Conseil le 25 octobre, malgré l’opposition de six autres pays.
Dans une lettre ouverte aux parlementaires, Statewatch et Privacy International ont dénoncé une politique hâtive et inutile, et souligné plusieurs irrégularités inquiétantes :
1. Il n’entre pas dans les pouvoirs légaux de la Commission de réglementer les passeports des Etats membres. L’Article 18 de la Communauté européenne prévoit que la communauté adopte des législations facilitant la liberté de circulation des citoyens européens et « ne concernant pas les prescriptions sur les passeports, cartes d’identité, permis de résidence ou tout autre document de ce type... »
2. L’Europe veut imposer deux identifiants, là où les Etats-Unis et l’ICAO (International Civil Aviation Organization) n’en recommandent qu’un seul.
3. Le second identifiant obligatoire a été introduit après que le texte ait été transmis pour avis au Parlement. Une « modification mineure », a-t-on dit, qui ne justifiait pas que le texte soit à nouveau, comme le veut la procédure, soumis à la Commission LIBE (défense des Libertés )
4. Le Parlement a été pressé de valider le rapport initial de la Commission LIBE début décembre. S’il était passé en janvier, il aurait pu faire l’objet d’une procédure de co-décision (où Conseil et Parlement doivent s’entendre sur un même texte) au lieu d’une simple consultation. Le Conseil a d’ailleurs menacé de retarder à avril le passage à cette procédure de co-décision pour les sujets touchant à l’immigration et à l’asile (prévue par le Traité d’Amsterdam sur certains sujets et devant entrée en vigueur depuis mai 2004).
Le Conseil a finalement validé le règlement le 14 décembre, sans tenir compte de l’avis du Parlement. Seule la constitution d’une base de données centrale a été supprimée.