Brice Hortefeux est probablement le plus caricatural des candidats aux Big Brother Awards : la surveillance, pour lui, relève de l’idéologie, et il n’hésite pas à trafiquer les faits dès lors qu’ils ne rentrent pas dans les cases de ses croyances.
Son "Rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection" ? Il démontre tout et son contraire, et notamment que plus il y a de caméras, moins la délinquance baisse… que pour ce qui concerne la délinquance générale, les taux d’élucidation progressent aussi bien dans les zones avec ou sans vidéoprotection, mais qu’ils restent inférieurs dans les villes vidéosurveillées que dans celles qui ne le sont pas, ou encore que le nombre d’agressions progresse donc plus vite dans les villes modérément vidéosurveillées que dans celles qui ne le sont pas.
Pourtant, le ministre avait pris les devants : plutôt que de confier la rédaction de ce rapport à des universitaires indépendants spécialistes de la question, il avait mandaté l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), l’Inspection technique de la gendarmerie nationale (ITGN) et l’Inspection générale de l’Administration (IGA), dépendant tous trois directement du ministère de l’Intérieur.
Et pour parfaire le tableau, la lettre de mission qui leur avait été envoyée rappelait que « le développement de la vidéoprotection est une priorité du Ministre (...), le plan d’action mis en place vise à tripler le nombre de caméras sur la voie publique (et qu’)afin de permettre aux collectivités locales gestionnaires de l’espace public de se lancer dans cette stratégie dynamique, il convient de mettre à disposition (…) des arguments propres à soutenir leur adhésion ». L’objectif n’était donc pas de savoir si la vidéosurveillance est efficace, ou non, mais de démontrer que le ministre a raison de vouloir tripler le nombre de caméras. Un peu comme si un industriel du médicament demandait à ses salariés d’évaluer l’efficacité de ses produits, afin d’en vendre trois fois plus qu’auparavant [1].
Signe supplémentaire de ce grand n’importe quoi, on trouve en annexe de ce rapport une liste de 18 « faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection ». Gag : seuls 3 d’entre-eux l’ont été grâce aux systèmes de vidéosurveillance de la voie publique vantés dans ce « rapport sur l’efficacité », les autres l’ayant été grâce à des caméras d’un bureau de tabac, d’un hôtel, de banques, supermarchés, et même... « un groupe de personnes assistant à un mariage dont l’un d’eux filme les faits » [2].
Adepte de la novlangue, il propose, dans la LOPPSI, d’effacer le terme de vidéosurveillance dans tous les textes officiels, pour y substituer celui de "vidéoprotection", ce qui ne l’a pas empêché d’être lui-même pris en flagrant délit par une caméra.
Le 9 septembre 2009, il [présentait en effet ainsi son plan de co-financement de la “vidéo-protection” : « Je suis naturellement attaché à la préservation des libertés individuelles. Je le dis clairement, et chacun peut le voir, la vidéo, c’est de la protection avant d’être de la surveillance. Les caméras ne sont pas intrusives, elles ne sont pas là pour épier, mais pour protéger. Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez pas à avoir peur d’être filmés ! Instaurer la vidéo-protection, c’est identifier les fauteurs de troubles, c’est décourager les délinquants ; c’est, surtout, veiller sur les honnêtes gens. » [3].
Le lendemain, LeMonde.fr publiait la vidéo de son dérapage raciste sur les Auvergnats ("Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes") filmée par une équipe de télévision [4].
Pour contrer le scandale, ses soutiens dénoncent l’internet et ses journalistes, accusés par Henri Guaino de promouvoir « une transparence absolue qui est le début du totalitarisme. » En résumé : la vidéoprotection, c’est la liberté, le journalisme, la dictature. CQFD.