Big Brother Awards Finlande 2013 : Le palmarès

Helsinki, le 10 novembre 2013
Pour diffusion immédiate
Communiqué de presse
Electronic Frontier Finlande – Effi ry

L’édition 2013 des Big Brother Awards finlandais a été présentée samedi 9 novembre par Electronic Frontier Finlande (Effi). Cette année, la cérémonie s’est tenue dans l’ancienne prison de Katajanokka à Helsinki. Les lauréats ont été sélectionnés par un jury parmi les nominés proposés par le public. Cette année, le jury était composé de la journaliste Hanna Nikkanen, du professeur Matti Rossi, du président du département en charge des TI du conseil municipal d’Helsinki Otso Kivekäs et du réalisateur Jon Sundell.


Les Big Brother Awards sont basés sur le concept imaginé par l’organisation britannique Privacy International. Depuis la naissance de cette tradition internationale à Londres en 1998, des cérémonies ont lieu chaque année dans une dizaine de pays. L’objet de ces événements est d’attirer l’attention sur les atteintes au droit à la vie privée.

Cette année, les récompenses de l’édition finlandaise ont été conçues et réalisées par l’artisan Markku Mulari, de l’atelier de menuiserie Vaakalintu.

Le palmarès est le suivant :

Individus - Catégorie internationale
David Cameron : pour les activités d’espionnage du GCHQ (service de renseignement électronique du gouvernement britannique) et ses atteintes au droit de la presse.
Le premier ministre du Royaume-Uni a fait preuve d’une exceptionnelle intégrité politicienne en rejetant sans commentaire les accusations à l’encontre de l’agence de renseignement de son pays et en préférant mettre son énergie dans la condamnation des révélations futiles de vilains journalistes et dans le harcèlement de leurs épouses. Le premier ministre mérite également les honneurs pour la formidable perspicacité des autorités de son pays, selon lesquelles « le fait d’influencer un gouvernement […] dans le but de promouvoir une cause politique ou idéologique […] s’inscrit dans la définition du terrorisme ».

Individus - Catégorie nationale
Jorma Ollila : pour la promotion du pistage des véhicules par satellite.
La nomination du président du CA de la deuxième société pétrolière du monde à la tête d’un groupe de travail du Ministère des transports finlandais sur la taxation des véhicules a constitué une surprise. Cependant, le projet était animé d’importantes synergies, puisque le groupe de travail mené par « Ollila the Oil » a finalement recommandé de travailler à une taxation visant non plus les carburants, mais l’utilisation des routes et, par voie de conséquence, menant à la création d’une immense base de données enregistrant les déplacements des personnes, celle-ci pouvant ensuite être utilisée, par exemple, pour localiser les militants citoyens et les journalistes exprimant des critiques à l’encontre de Shell. Jorma Ollila a, de toute évidence, fait preuve ici de la même qualité de prévoyance que lorsqu’il avait placé Stephen Elop à la tête de Nokia et remplacé Meego, le système d’exploitation des téléphones Nokia, par Windows.

Projets - Catégorie nationale
Gestion des base de données policières et volonté d’augmenter la quantité d’informations collectée en utilisant les renseignements de la base de données d’empreintes digitales des passeports ; système de pistage des véhicules par satellite, bien qu’il ne soit qu’à l’état d’ébauche.
Ces projets démontrent avec éclat que la police a bien compris que tout citoyen est un criminel en puissance et qu’elle a investi dans des méthodes de surveillance universelle de la population. Comme il est impossible de savoir à l’avance quelles activités finiront par être considérées comme criminelles, la seule solution est de collecter des informations les plus complètes possibles sur les agissements de tout un chacun en tout instant. Pour ce faire, une base de données des empreintes digitales de tous les citoyens combinée à un système qui enregistre les déplacements de véhicules au prétexte de prélever l’impôt est un outil précieux.

Catégorie Entreprises
Les opérateurs téléphoniques et les fournisseurs d’accès à internet multinationaux : pour leur mépris des droits des citoyens à travers le monde et leur laisser-faire face à la surveillance de la NSA.
Le rôle des entreprises de téléphonie dans l’espionnage des citoyens attire moins d’attention que, par exemple, la coopération entre les entreprises de réseaux sociaux et les services de renseignement. Avec ce prix, nous souhaitons pointer du doigt le fait qu’il serait infiniment plus difficile de fouler au pied les droits de l’homme des citoyens sans la fructueuse coopération entre les entreprises de téléphonie et les régimes corrompus. Les opérateurs méritent en outre d’autres lauriers pour la façon novatrice dont ils ont utilisé, de leur propre chef, l’argent des services de renseignement pour construire un système mondial d’espionnage des citoyens, en permettant notamment de dériver le trafic au niveau des switchs des câbles en fibre optique.

Catégorie Winston (prix positif)

Deux prix Winston Smith, qui récompensent des actions positives, ont également été remis. L’un d’eux a été décerné à Chelsea Manning (anciennement Bradley Manning), une ex-militaire américaine condamnée à plusieurs décennies de prison pour avoir livré des informations militaires américaines à Wikileaks. Manning a devancé le chef d’état-major des Forces armées finlandaises, le général Ari Puheloinen, qui avait été nominé pour sa proposition de placer, par la voie législative, les renseignements militaires sous le contrôle du parlement.


Le second prix Winston Smith a récompensé Edward Snowden, sous la forme d’un Prix Tolstoi exceptionnel. Le Prix Tolstoi inclut des billets pour le train « Tolstoi » couvrant le trajet entre Moscou et Helsinki. Snowden, lui aussi, s’est vu décerné cette récompense pour ses révélations, qui ont mis au jour l’ampleur réelle des écoutes et de l’espionnage éhontés réalisés par les États-Unis et d’autres services de renseignements.

L’Effi a formulé une demande de renseignements auprès des fournisseurs de services de réseau et de télécommunication finlandais concernant les requêtes d’identification d’utilisateurs de la part des autorités (par exemple, qui a utilisé une adresse IP donnée à un moment donné). Les résultats ont été présentés lors de la cérémonie des Big Brother Awards. L’Effi a reçu des réponses de Microsoft, Sonera, Elisa, DNA et Suomi Communications Oy. Les trois plus grands fournisseurs d’accès à internet et de services téléphoniques Sonera, Elisa et DNA reçoivent chacun entre 6 000 et 10 000 requêtes par an. Ces opérateurs ne conservent cependant pas de statistiques sur les autorités dont émanent les requêtes, ni sur les dispositions juridiques sur lesquelles elles sont fondées. Ceci constitue une difficulté considérable pour l’analyse des requêtes. Aucun des grands opérateurs finlandais n’était disposé à mettre en œuvre immédiatement la pratique, déjà observée par Google, Microsoft et Twitter, consistant à signaler régulièrement les requêtes provenant des autorités.

[1] Le Guardian, « Metropolitan police detained David Miranda for promoting ’political’ causes », 2 novembre 2013.