Non, les Big Brother Awards, qui, cette année, seront attribués pour la première fois en France, n’ont rien à voir avec les séries télévisées bien connues. Quoique. Tandis que les drames mis en scène devant les caméras de télévision font de la surveillance un moyen de divertissement public, nous aimerions, par l’attribution de ces prix, faire face à d’autres types de dérapages et d’abus, celles qui menacent l’intégrité privée des citoyens ou limite ses libertés de parole et de circulation.
Pourquoi ?
Aujourd’hui déjà, chacun d’entre nous est inscrit dans plusieurs dizaines de banques de données. Les technologies modernes du traitement de l’information rendent possibles des méthodes de plus en plus sophistiquées d’espionnage, de contrôle et de surveillance d’individus ou de groupes.
Sous le prétexte de la lutte contre la criminalité et de la sûreté de l’Etat, notre sphère privée est envahie à notre insu et des droits fondamentaux comme le secret des correspondances ou le droit à l’anonymat, sont violés. Les lieux publics sont dotés de plus en plus de caméras qui nous observent au quotidien. Des systèmes d’écoute militaires surveillent les communication civiles à travers le monde en établissant des profils vocaux, personnels et de communication. Nos traces de données et de profils donnent lieu à une surveillance ciblée menant à une "suspicion préventive" de tout citoyen (recherches par quadrillage).
Des systèmes d’informations à grande échelle [GSM, GPS] et des systèmes de paiement électroniques [cartes de crédit, de débit, call cards, automates bancaires, péage électronique, etc.] permettent de pister et d’enregistrer nos moindres faits et gestes, et ainsi d’établir des "profils" personnels basés sur le recueil de telles informations (data mining)."Les individus libres que nous devrions être deviennent ainsi des détecteurs de mouvement vivants" (www.bigbrother.awards.at).
L’introduction de nouvelles technologies et leur acceptation progressive par le public restent souvent inaperçues. Parmi les arguments invoqués figurent l’efficacité accrue, la réduction des coûts et la modernisation, comme c’est le cas par exemple pour le NIR (interconnexion des fichiers fiscaux et des numéros de sécurité sociale) ou encore le STIC (Système de Traitement des Informations Constatées par la police - voir le site de DELIS, Droits Et Libertés face à l’Informatisation de la Société). Dans le secteur privé, des bases de données servent avant tout à des fins de marketing : l’espionnage des clients permet d’ouvrir de nouveaux marchés et d’harmoniser la production avec les besoins de consommation réels ou suscités.
L’acceptation de technologies de surveillance est renforcée encore par le "discours de la peur". La vidéo surveillance de l’espace public et les écoutes téléphoniques serviraient à la lutte contre la criminalité et seraient nécessaires pour garantir la "sécurité". La peur latente ou celle attisée par le "discours de la peur" facilite la légitimation de la mise en place et le développement de la surveillance préventive par l’Etat. Les bases de données de l’Etat sont donc utilisées non seulement par l’administration pour rendre ses services plus efficaces, mais aussi par la police et l’armée à des fins répressives.
Les différentes méthodes de recueil de données personnelles sont donc utilisées par le secteur public tout comme par le secteur privé afin d’exercer une forme raffinée du "social engineering" : la surveillance et le contrôle complets et omniprésents du comportement de la population.
En attribuant les premiers Big Brother Awards en France nous voulons : dénoncer et identifier dès leur début les tendances à une surveillance accrue de la population informer le public sur la nécessité de réguler le commerce noir de ces armes non léthales inciter à la résistance contre de telles pratiques
Avec l’Orwell Party du 16 décembre 2000 au CICP de Paris, nous prenons position : contre une surveillance et un contrôle accrus des personnes en faveur de la protection de la sphère privée en faveur du droit à l’autodétermination individuelle en matière d’information
Nous allons aussi récompenser des personnes, collectifs, projets de société qui ont contribué à informer, résister et dénoncer de telles pratiques.
Dénonçons tous ceux - personnes et institutions - qui nous fichent et nous espionnent !
Certains des sujets abordés lors de l’attribution des Big Brother Awards, c’est-à-dire la surveillance et le contrôle de personnes, seront aussi abordés à l’occasion de la Zelig Conférence, qui accueillera la remise des prix de ces BBA. http://www.bigbrotherawards.eu.org/pourquoi/index.html