Alex Türk, président de la CNIL

[Prix Spécial du Jury 2000-2010.] Pour tromperie et dissimulation. Alex Türk endosse les habits du défenseur tout terrain de la vie privée et des libertés alors qu’il en est parfois le fossoyeur et souvent le facilitateur.

Dossier présent à l’origine dans la catégorie "Exécuteurs de basses œuvres" et sacré "Prix Spécial du Jury".

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La CNIL dans son ensemble aurait pu être nominée à ce prix ensemble de son oeuvre. Car depuis 10 ans, on ne peut que constater qu’elle a perdu l’essentiel de ses pouvoirs, en particulier celui qui lui permettait de contrôler a priori les fichiers d’état et les fichiers de sécurité. Les exemples qu’on retrouve chaque année en bonne place dans les candidatures aux BBA ne manquent pas : Edvige (où la CNIL n’a pu que donner l’alerte), Cristina, Base Elèves et BNIE (écoles), le DMP (santé), Cassiopée (ou la Nouvelle chaine pénale), les fichiers de la CAF... La liste est longue.

La faute en incombe, certes, aux législateurs et au gouvernement, qui s’efforcent de garder les coudées franches pour surveiller leurs administrés. Et à ceux-ci qui laissent faire en se cachant derrière l’habituel argument du "mais je n’ai rien à cacher".

Mais la responsabilité de celui qui occupe le siège de président depuis plus de 6 ans, ne peut être minorée. Rendons à Türk ce qui est à Türk.
 Il était le sénateur-rapporteur de la loi Informatique et Libertés de 2004 qui a entériné la perte de ces pouvoirs, expliquant que l’avis conforme de la CNIL sur les fichiers de police n’avait "jamais utilisé en 20 ans".
 Il est celui qui affirme que la CNIL protège les libertés des citoyens, des enfants, des salariés, des immigrés, tout en avouant se contenter de veiller au respect d’obligations légales dont il dénonce parfois l’insuffisance (lorsqu’il a besoin de redorer l’image de l’autorité pour justifier l’augmentation de son budget).
 Il est celui qui se démet devant les surveillants et qui enterre les droits des surveillés à se défendre en acceptant de faciliter les autorisations, d’accepter que les objections de la CNIL ne soient pas contraignantes et de s’en remettre aux seuls contrôles a posteriori.
 Il est également celui qui gesticule sur les podiums nationaux et internationaux pour masquer l’essentiel de la forêt derrière l’arbre de Facebook and Co. Il joue de la peur, exagére le danger des réseaux sociaux et mise sur le droit à l’oubli, sachant pertinemment qu’il n’existe aucune solution miracle pour défaire ce qu’a engendré internet.
 Il est aussi celui qui s’enorgueillit d’avoir "simplifié" les procédures pour autoriser, entre autre, les systèmes biométriques ou ceux de géolocalisations.
 Il est celui qui ne se bat pas plus que ça pour revendiquer le contrôle de la vidéosurveillance, la laissant aux redoutables exécuteurs que sont les préfets.

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Alex Türk est le roi de la "novlangue de bois" (voir son dossier Novlangue). Ce faisant, il est co-responsable du lent délabrement de la vie privée et des libertés publiques en France. Car les gens, croyant être défendus par la CNIL, ne se mobilisent que peu pour défendre eux mêmes leurs libertés.

Pour sa défense, Alex Türk va, bien sur, faire valoir qu’il se bat actuellement au Sénat pour élargir les pouvoirs de la CNIL, contre l’avis du sous-ministre à la Justice JM Bockel (voir son dossier) et du gouvernement. A quoi il convient de répondre : il était temps ! Si il ne l’avait fait, il aurait pu être, en sus, accusé de récidive, d’absentéisme et de complaisance.