La Direction Générale de la Gendarmerie Nationale

Pour avoir fiché, illégalement, des millions de Français pendant des années : si JUDEX (2,8M de fichés) vient d’être légalisé... 20 ans après sa création, le fichier des personnes nées à l’étranger (7M de fichés) et le FAR, qui sert à évaluer la dangerosité de la population (60M de fichés !) sont toujours illégaux.

La première édition des Big Brother Awards France, en l’an 2000, avait "consacré" le STIC, le fichier de suspects du ministère de l’intérieur, truffé d’erreurs et qui n’en a pas moins fonctionné, dans l’illégalité, 6 ans durant.

On a bien moins parlé de JUDEX (système JUdiciaire de Documentation et d’EXploitation), son équivalent à la gendarmerie. Créé en 1986, il n’a été légalisé qu’en... novembre dernier. Il n’en compte pas moins 2 883 000 personnes "suspectes" parce que "mises en cause". Tout comme le STIC, JUDEX recense en effet tous les cas où un quidam a été mis en cause, et quelles que soient les suites judiciaires données à cette présomption de culpabilité. Le STIC et JUDEX seront fusionné en 2007 au sein d’ARIANE (Application de Rapprochements, d’Identification et d’ANalyse pour les Enquêteurs).

D’après le rapport Bauer consacré aux "Fichiers de police et de gendarmerie", il existe encore d’autres fichiers non déclarés, et ne disposant donc toujours pas de base légale, à l’instar du "fichier des personnes nées à l’étranger" (FPNE) qui, créé en 1975, comprend 7 millions de fiches, le pire étant atteint avec le "fichier alphabétique de renseignements" (FAR), qui a pour vocation de "permettre aux militaires des unités opérationnelles d’acquérir une connaissance approfondie de leur population résidente, en particulier sur leur dangerosité", et qui recense pas moins de 60 millions de fiches cartonnées.

La loi informatique et libertés autorisant les fichiers policiers à rester dans l’illégalité jusqu’en 2010 [1], ils seront tous deux abandonnés à cette date. Le rapport Bauer n’en recommande pas moins que, "dans l’attente de la suppression prévue par la Direction générale de la gendarmerie nationale en 2010, le fichier alphabétique de renseignements soit déclaré à la CNIL et fasse l’objet des procédures réglementaires adaptées".

La gendarmerie a également été prise la main dans le sac, en octobre dernier, par le Canard Enchaîné, pour avoir fiché, en toute illégalité, près de 40 000 travailleurs saisonniers dans les Alpes, tout en demandant à leurs employeurs leurs noms et numéros de téléphone. (voir plus bas).

Enfin, le 13 juillet 2006, le ministère de la Défense a par ailleurs prêté au ministère de l’intérieur un drône (avion sans pilote et télécommandé) afin de surveiller les banlieues, et plus particulièrement certaines cités HLM sensibles. S’il n’a pas été démontré que la gendarmerie était impliquée, on sait qu’elle dispose d’au moins un drône, "à titre expérimental", et qu’elle avait déjà utilisé un drône afin de surveiller le sommet du G8, à Evian, en 2003, tout en y déployant des "moyens de guerre électronique en vue de perturber les modes de communication des manifestants et de localiser les sources visant à brouiller les réseaux des forces de l’ordre", mais aussi des gendarmes en civils dotés de mini-caméras dissimulées dans la branche de leurs lunettes... ce qui lui avait d’ailleurs valu une nomination aux Big Brother Awards.


Faits agravants en 2006 : recensement illégal de près de 40.000 travailleurs saisonniers par plusieurs brigades de recherche de la Gendarmerie. Affaire révélée par Le Canard Enchaîné du 25/10 et du 01/11/06.
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P.-S.

Fichiers de police et de gendarmerie : comment améliorer leur contrôle et leur gestion ?

 Nomination de la gendarmerie nationale en 2003

 "Ils auront des mini-caméras dissimulées dans la branche de leurs lunettes"

 Un drone pour surveiller les violences urbaines ?

Notes

[1la "mise en conformité (...) des traitements non automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique", et donc le fait qu’ils s’avèrent "adéquats, pertinents, exacts, complets et, si nécessaire, mis à jour" a en effet été repoussée au 24 octobre 2010 :
 article 21 de la LOI n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés
 A qui profite la CNIL ?
 http://www.bugbrother.com/breve38.html

[2Extraits : « PRÈS de 40 000 travailleurs saisonniers des départements alpins font l’objet, depuis plusieurs années et de la part des gendarmes locaux, d’un fichage parfaitement illégal. Ni les intéressés ni la commission nationale Informatique et Libertés n’en ont été informés, comme la loi l’exige.
« Agents de remontées mécaniques, plongeurs, cuisinier, musiciens venus bosser semaines ou quelques mois en montagne durant la saison de ski sont ainsi répertoriés par noms, adresses, professions et-nationalités. Mais le plus piquant est la rubrique "Renseignements divers", qui précise les habitudes ("usagers de stupéfiants", par exemple ou le passé "insoumission" au service militaire ou "condamné pour vol il y a vingt ans") de certains fichés. Avant d’être saisies, les données individuelles ont été confrontées au fichier (national) des personnes mises en cause utilisé par la police et la justice. (...)
« (L)es commerçants de la région sont priés de fournir, sans broncher, divers " renseignements" sur leurs employés du moment. Sous peine, pour les récalcitrants, de s’exposer à un contrôle de l’Urssaf ou de l’Inspection du travail...
(...)Pas assez vite, hélas, pour empêcher d’odieux pirates, complices du "Canard", de récupérer un bon paquet de fiches (remplies) utilisées par ces services. Ainsi qu’un "mode d’emploi" permettant l’installation du fichier - sobrement appelé "Saisonniers" - sur l’ordinateur des pandores et sur le réseau de communication Rubis, utilisé par la gendarmerie nationale. (...) »
Suite (article du 1er novembre) : « Ils ne sont pas seuls. L’article, paru la semaine dernière, sur le fichage des "saisonniers" de cette région (près de 40.000) n’était qu’un exemple parmi d’autres. Les mêmes pratiques ont cours dans les stations balnéaires, comme nous l’avaient déjà confirmé plusieurs correspondants au téléphone. Un ancien gradé de la gendarmerie affirme avoir naguère dénoncé ces mauvaises manières à la CNIL, mais celle-ci n’en a aucun souvenir. D’autre part, certains commerçants signalent que des pandores leur demandent souvent les noms et numéro de téléphone des saisonniers qu’ils embauchent. (...) »