L’Assemblée des Français de l’étranger

Pour avoir superbement ignoré les trois rapports indépendants dénonçant les travers et dangers du vote par l’internet qu’elle avait mis en place le 18 juin 2005.

Première expérience française de vote à grande échelle par Internet, l’élection des représentants de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), le 18 juin dernier (tout un symbole), fut “une ‘première’ mitigée” selon l’AFP, un “flop” pour 01net.

Sur les 525 000 électeurs potentiels, seuls 28 000 avaient ainsi choisi l’option internet. A l’arrivée, 10 119 personnes seulement ont réellement voté en ligne, soit 14% des votants (le nombre total des suffrages exprimés étant lui aussi, et seulement, de 14%).

Les rapports de trois experts informatiques, Bernard Lang et François Pellegrini, mandatés par les deux groupes de l’Assemblée des Français de l’Etranger -l’Union des Français de l’Étranger (UFE, proche de l’UMP) et l’Association Démocratique des Français à l’Étranger (ADFE, proche du PS)- pour auditer la procédure de vote, ainsi que celui d’Andrew W. Appel, professeur d’informatique à Princeton et membre de VerifiedVoting.org, ont depuis enfoncé le clou.

Extraits de leurs expertises :

 comment les assesseurs pouvaient-ils garantir l’intégrité du vote dès lors qu’ils en étaient réduits à vérifier, par écran de vidéosurveillance interposé, que personne n’entrait dans la salle machine où se trouvaient le système informatique gérant le suffrage ?

 d’autre part, les assesseurs en étaient réduit à contrôler la régularité du vote au moyen de caméras de vidéosurveillance filmant la salle machine où se trouvaient les ordinateurs comptabilisant les votes, or, la vidéo ne permettait aucunement de vérifier ce qui se passait à l’intérieur des ordinateurs, et encore moins de s’assurer de la qualité du code source des logiciels utilisés, non plus que de l’intégrité des flux de données, sans même parler de la sécurité des ordinateurs des votants.

 de plus, certaines des recommandations de la CNIL et du Forum des Droits de l’Internet n’ont pas été respectées, et les audits logiciels ont été effectués, non pas par des personnalités indépendantes, mais par des représentants du maître d’oeuvre et du maître d’ouvrage…

En résumé, et alors que dans un vote “classique”, dont la procédure, relativement simple, est compréhensible par tout un chacun, et que les urnes sont transparentes, les isoloirs fermés et individuels, le dépouillement public et le décompte vérifiable, dans l’expérience du 18 juin dernier, dont la complexité en a dérouté plus d’un, ni les assesseurs, ni les isoloirs, ni les urnes, ni le dépouillement, ni le décompte n’offraient de garanties suffisantes.

Or, comme le souligne Bernard Lang, “le défi essentiel auquel est confronté le vote électronique est l’étendue de la confiance que lui accorde l’électeur“. Pour Pellegrini, “le mécanisme le plus fiable reste le vote par correspondance papier, le vote dématérialisé n’offre aucune contrôle, et permet une portée de fraude considérale (…) Ce ne serait pas un service à rendre à la démocratie“.

En réponse à ces critiques, l’AFE, lors de sa session plénière, a pour sa part décidé de créer... une "commission temporaire" pour "engager une réflexion sur l’exercice du droit électoral par les Français de l’étranger", sans bien évidemment mentionner aucun de ces rapports, ni aucune de leurs remarques et critiques.