Isabelle de Léon, agent au Pôle Emploi

Pour refus de participer à une formation au contrôle des papiers d’identité des demandeurs d’emplois.

En décembre 2008, l’Anpe et l’Assedic ont laissé place à Pôle Emploi avec son lot de conséquences qu’induisait une telle fusion: passage à un statut privé avec une délégation de service public, fermetures d’agences, mise en retraite des effectifs en surnombre, fusion des systèmes informatiques, « optimisation » des espaces et des hommes en agence et pour finir unification des métiers au sein de Pôle Emploi. L’EID (Entretien Individuel Diagnostic) a donc été pensé pour cette unification et représente l’essentiel de la nouvelle offre de suivi des chômeurs.

L’EID est un entretien de 50 minutes lors duquel tout le dossier du demandeur d’emploi est passé au crible : contrôle et validation de la carte d’identité, contrôle des attestations, collecte des éléments personnels pour enrichir leur fichier AUDE. On instruit aussi à ce moment-là les droits à indemnisation, et on valide un projet professionnel qui est contractualisé par la signature du PPAE (Projet Personnalisé d’Accès à l’Emploi). Selon Isabelle de Léon, employée au pôle emploi, la polyvalence des tâches ainsi mixées, indemnisation et placement, dans un « métier unique », remet totalement en cause des années de professionnalisation dans chacun des deux métiers.

En avril 2011, elle boycotte la formation « entretien d’inscription et diagnostic » qui « forme » les agents à « l’obligation de contrôler la validité des papiers d’identité, de conserver leurs copies, et de signaler les documents suspects » de demandeurs d’emploi. Elle justifie cet acte de désobéissance en adressant une lettre à son directeur régional et au DG de Pôle Emploi. En mai 2011, elle est convoquée par le Directeur Régional de Pole Emploi Midi-Pyrénées pour une action disciplinaire qui s’est soldée par un blâme. Puis la Direction générale de Pôle Emploi la convoque le 13 octobre 2011 pour un conseil de discipline au niveau national. Devant tant de volonté répressive elle entre en gréve de la faim durant 9 jours, jusqu’au jour de la tenue de la commission disciplinaire nationale. Elle fut légèrement sanctionnée: une mutation forcée dans l’agglomération de Toulouse. "C’est une stratégie intelligente. C’est moins symbolique qu’un licenciement ou une sanction. C’est notamment grâce à la forte mobilisation des agents à Toulouse et Paris ", déclare-t-elle.

Lors de la remise du prix c’est une collègue d’Isabelle de Léon qui est venue récupérer son prix et lire un texte que voici:

Ce prix Voltaire que vous me remettez aujourd’hui revient de fait à tous ceux et toutes celles qui se battent au quotidien pour faire vivre encore le Service Public, partout où il est plus que jamais nécessaire... partout où il est plus que jamais attaqué....
Big Brother, Novlangue.... C’est une réalité à Pôle Emploi .... qui fragilise et qui déstabilise des deux côtés du guichet, générant malaise, maladresse, détresse, et parfois désespoir...

Un service public qui se désespère et qui désespère, n’est plus au service du public... alors au service de qui est-il ?
En même temps que notre Directeur Général, Monsieur Bassère, annonce à grand coups d’annonces aux médias, un accompagnement renforcé, comme s’il était généralisé, alors qu’il ne représente qu’un très faible nombre de demandeurs d’emploi, se mettent en place de nouvelles procédures informatisées que l’on présente comme une modernisation, comme une simplification... mais qui vont aussi permettre un contrôle accru des demandeurs d’emploi, voire une possible automatisation de procédures qui sont encore aujourd’hui régulées par les conseillers de Pôle Emploi. On sera alors bien au-delà du contrôle par la photocopie des papiers d’identité, face à un système informatique opaque et globale permettant le recoupement des données de différents services publics ( Emploi , CAF, CNAV ….etc…)

Dématérialisation des contacts, automatisation d’une plate-forme mail, téléphone, services à distance.... Mise à distance des agences... des agents... des demandeurs aux risques de les perdre L’institution éloigne conseiller et demandeur d’emploi.... Alors que plus que jamais un réel accompagnement humain est nécessaire...

A ce niveau, parler de novlangue est un effet de style et une référence littéraire, il s’agit plutôt d’un insupportable mensonge qui place les agents dans des injonctions paradoxales entre discours institutionnel et réalité de terrain. Un mensonge qui porte atteinte à leur intégrité, à leur conscience professionnelle, à leur éthique de citoyen...
Au delà du mensonge, il y a le déni, le déni de la réalité tous les chômeurs ( et ils sont des millions) qui ont recours à ce service, un service déstabilisé qui est de moins en moins en mesure d’apporter l’aide ou le soutien attendu...
Ce prix c’est aussi vers eux qu’il doit se tourner, et vers ces chômeurs et ces précaires en marche qui, partis de l’île de la Réunion, traversent le territoire pour aller dire le 6 juillet à Paris, leur colère, leur détresse leur incompréhension...
Ils viennent avec leur cahier de doléances dire au plus haut niveau de l’état qu’ils ne sont pas des chiffres, des statistiques, des enjeux politiques... Mais qu’ils sont des hommes et des femmes qui ont des droits, et l’un des premiers qu’ils réclament est le respect de leur dignité.
A l’heure où le paradigme de la suspicion et de la fraude fait reculer celui de la solidarité, il est bon de rappeler à nos élus et gouvernements et peut être à certains de nos concitoyens que si la question des droits et des devoirs s’applique pour chacun envers le collectif, il existe réciproquement une dette du collectif envers chacun :
Rappelons-nous l’article 21 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :
« Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant un travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art 21, Constitution 1793.Une idée de partage, de redistribution et de réparation, qui, au fondement de notre histoire politique, doit rester au cœur de nos politiques publiques.

Rejoindre très nombreux cette marche des chômeurs qui sera en escale ici même à La Parole Errante le soir du 4 juillet c’est peut-être le début d’une solidarité à recomposer !!!
Isabelle De Leon

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