Groupe de rap "La Rumeur"

Ont tenu tête au ministère de l’Intérieur et gagné leur procès en diffamation

Explications : Hamé, le leader de la formation de rap "La Rumeur", est nominé pour avoir dénoncé haut et fort la violence policière en France - au point de gagner un procès contre le ministère de l’Intérieur.

L’objet du litige ? Avoir déclaré dans un magazine, en pleine campagne présidentielle, que "Les rapports du ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’aient été inquiétés".

Attaqué par Sarkozy en 2002 pour outrage et diffamation, Hamé a finalement vu sa position validée, à sa plus grande surprise, par la justice. Il a été relaxé en novembre 2004.

Extraits d’un article paru dans Libération :

« A la barre, le rappeur s’explique : "On était au plus fort de la campagne présidentielle 2002 et on décrivait les jeunes des quartiers comme des hordes de barbares, des sauvages. Dans cet article, je voulais dénoncer les insécurités qui frappent les populations les plus fragiles, le chômage, l’alcool, l’échec scolaire... Les humiliations policières ne sont qu’une insécurité supplémentaire. Dans mon article, je n’ai pas cherché à faire de la police un bouc émissaire."

« La présidente du tribunal lit l’article à voix haute. Puis elle commente : "Je ne sais pas ce que cela donnerait en rap mais c’est une belle plume. Nous sommes déjà au milieu de l’article, nous n’avons toujours pas abordé le sujet de la police." Elle demande alors à cet étudiant, détenteur d’une maîtrise en recherche audiovisuelle, ce qui, dans ses expériences, a pu nourrir sa réflexion.

« Né à Perpignan il y a vingt-neuf ans, Hamé est le sixième enfant d’un ouvrier agricole d’origine algérienne. Son arrière-grand-père est mort lors de la Première Guerre mondiale, son grand-père au retour d’un camp de prisonniers. Il raconte : "Mon père a été ratonné à la fin des années 50. Mais c’est après mon bac, en habitant à Nanterre puis à Argenteuil, que j’ai fait l’expérience des vexations quotidiennes, lors des contrôles de routine. Puis la mémoire collective dans ces quartiers est ensanglantée par le 17 octobre 1961. Les grands frères nous ont raconté la police des années 70. A 20 ans, au début des années 90, il a fallu se familiariser avec les bavures policières... Quand je parle de centaines de morts, je fais référence aux quatre dernières décennies."

« L’historien Maurice Rajfsus vient étayer son propos. Entre 1977 et 2002, il affirme avoir recensé 196 morts suite à une intervention policière. Lors de son réquisitoire, la substitut a reconnu la bonne foi du prévenu, son manque d’animosité envers la police nationale, mais a retenu le caractère général de la première citation comme source de diffamation. »

Le parquet demandera lui aussi la relaxe ("replacés dans leur contexte, ces propos ne constituent qu’une critique des comportements abusifs, susceptibles d’être reprochés sur les cinquante dernières années aux forces de police à l’occasion d’événements pris dans leur globalité") et l’obtiendra (jugement du 17 décembre 2004).